Édito au nom du maire

[Printemps 1992]


par Éric Barbeau

Tout le monde parlera du 350ème anniversaire de Montréal cette année. Monsieur le maire nous félicitera d’habiter la ville qui a une fierté… ou l’inverse.

Les historiens se livreront à des considérations historiques de toutes sortes. D’anciennes figures de proue feront l’apologie d’une ville des années 40, sans en dresser le moindre parallèle avec ce qui s’y passe aujourd’hui. Nous aurons droit à tout un baratin historico-nostalgique, jusqu’en 1993. Ciel Variable vous offre l’envers de la médaille ce printemps.

En l’honneur de Montréal, la seule limite historique que nous nous sommes imposé, c’est la tradition photographique de Ciel Variable : jeter un regard critique, créatif et surtout, contemporain sur la métropole. Plus que des clichés, ce sont des impressions que vous avez entre les mains. Nous ne rendons pus hommage aux 350 ans de la ville, nous honorons les gens qui l’incarnent aujourd’hui.

Nous n’avons pas oublié de parler du Ritz Carlton, nous avons préféré vous montrer les Foufounes Électriques. Choix délibéré. Cette institution est devenue le nombril d’une ville dont on cache trop souvent les cicatrices et les excès. Les Foufounes ont marqué la naissance d’une nouvelle époque, elles illustrent maintenant nos pages centrales en immortalisant toute une génération qui ne figure pas encore aux annales.

Ce numéro spécial n’est pas une revue historique. Vous n’y retrouverez pas de photos d’archives. Mais comparez simplement ces images à ce que vous avez connu jadis, à ce que les historiens vous raconteront cette année, à ce que les anciennes figures de proue voudront bien vous laisser croire… et vous découvrirez peut-être une ville jeune, différente et toujours en vie. Ce numéro sur Montréal est axé sur l’image ; son contenu repose sur une perception résolument subjective, purement émotive. Et comme toujours, la revue a été élaborée au rythme des photos que vous nous avez fait parvenir. Nouveauté : nous constatons avec grand plaisir que les photographes sortent maintenant leurs plumes pour en dire plus long sur les sujets qu’ils ont observés. Certains sont poètes, d’autres raconteurs, certains autres, enfin, analystes de l’étroite relation entre une cité géométrique et le comportement humain. Leurs documents sont autant de taches de couleur, autant de messages, que nous adressons aux autorités municipales.

Car vous avez raison Monsieur le maire. La fierté a bel et bien une ville. Mais laissez l’architecture, les monuments et les nouvelles constructions de côté un moment. Et faites connaissance avec tous ces individus qui méritent d’occuper autant d’espace dans nos cœurs que les statues ou les gratte-ciel. En votre nom, nous les invitons eux aussi à la fête. Ici, à « Montréal en ville »…