Frederic Law Olmsted en perspective. Photographies de Robert Burley, Lee Friedlander et Geoffrey James – Franck Michel

[Hiver 1996-1997]

Centre Canadien d’Architecture, Montréal
Du 16 octobre 1996 au 2 février 1997

J’ai déjà noté dans ces pages l’importance du Centre Canadien d’Architecture (CCA) en ce qui a trait à l’étude et à la diffusion de la photographie historique et contemporaine reliée à l’architecture. Fidèle à lui-même, le CCA nous fait actuellement le bonheur de présenter la remarquable exposition Frederic Law Olmsted en perspective. Photographies de Robert Burley, Lee Friedlander et Geoffrey James.

En 1989, le CCA invitait trois photographes, Robert Burley, Lee Friedlander et Geoffrey James, à participer à une mission photographique sur l’œuvre de Frederic Law Olmsted sous la supervision de David Harris de la collection de photographies du CCA. Ainsi, pendant sept ans, les trois photographes ont parcouru le territoire nord-américain en photographiant 74 parcs urbains, domaines privés, cimetières et lotissements suburbains réalisés par l’architecte paysagiste américain. À la suite de cette mission, le CCA a créé un impressionnant fonds d’archives de plus de 900 images.

Le Québec et le Canada ont malheureusement peu, voire jamais, réalisé de mission photographique de cette envergure. Pourtant, les missions balisent l’histoire occidentale de la photographie et ont joué un rôle prépondérant dans la reconnaissance et le développement de cette dernière. Il faut remonter en 1851, du côté de la France, pour voir se créer la première mission photographique connue sous le nom de La Mission héliographique. Dans les années 1860-1870, les États-Unis poursuivent sur la lancée en réalisant plusieurs missions afin de documenter certaines régions méconnues du territoire américain. Parmi les plus célèbres, notons les Geological Explorations of the Fortieth Parallel et La Mission du Centième Méridien. Plus récemment, au début des années quatre-vingt, le gouvernement français s’engagea dans l’importante Mission photographique de la Datar pour laquelle 15 photographes ont travaillé pendant huit ans à rendre compte de l’état du territoire français. La Mission photographique de la Datar a eu des répercussions considérables et a redonné à la mission photographique ses lettres de noblesse en la remettant au goût du jour. Parmi les missions récentes d’importance citons, en France, La Mission photographique Transmanche et, en Belgique, 04° 50° : La mission photographique de Bruxelles. Depuis 1851, l’esprit qui anime ces différentes missions reste essentiellement le même : établir un corpus photographique à des fins patrimoniales, archivistiques et artistiques sur l’état d’une région, d’un pays ou, dans le cas présent, de réalisations architecturales. L’initiative du CCA s’inscrit donc dans une tradition fortement ancrée dans l’histoire de la photographie de paysage et d’architecture.

L’exposition Frederic Law Olmsted en perspective. Photographies de Robert Burley, Lee Friedlander et Geoffrey James réunit 160 photographies extraites du fonds d’archives de la mission, ce qui nous donne un bon aperçu de la richesse et de l’ampleur du projet. Toutefois, l’exposition pose un problème de taille auquel se heurtent maintes expositions et publications de photographies d’architecture : est-ce une exposition de photographies prises par des artistes de renom ou une exposition sur l’œuvre d’un architecte du paysage ? Le parti pris du CCA est relativement clair : présenter une exposition de photographies. En soi cela n’a rien de répréhensible, bien au contraire. Cependant, on peut regretter que rien n’ait été mis en place pour aider le visiteur néophyte à mieux comprendre l’œuvre de Olmsted : aucun plan, aucune maquette, aucune biographie ou liste des réalisations de l’architecte. Cela est d’autant plus étonnant que le CCA nous a habitués à encadrer ses expositions de nombreux outils d’interprétation. On peut aussi se demander quels sont les critères de sélection qui ont motivé le choix des images retenues pour l’exposition où se révèle une certaine ambiguïté entre la volonté de documenter de façon systématique les réalisations d’un architecte et la volonté de faire œuvre d’art. De façon générale, une mise en contexte plus évidente aurait aidé à mieux apprécier et certainement à mieux comprendre le propos des photographes et les enjeux de l’exposition. Cela dit, les images de Robert Burley, de Lee Friedlander et de Geoffrey James restent, pour la plupart d’entre elles, de magnifiques photographies qui, tout en documentant l’œuvre d’un architecte paysagiste, s’inscrivent dans la voie d’une longue tradition photographique, la représentation du paysage.

Aussi, malgré ces quelques réserves concernant l’exposition, il faut souligner l’entreprise fort louable du CCA ; il nous reste à espérer qu’un tel succès encouragera la création de missions photographiques au Québec et au Canada dans un proche avenir.