Katherine Knight, I became unconscious

[Automne 1996]

par Katherine Knight

Baissant la tête, j’ai vu que la jambe gauche de mon pantalon était brûlée. J’ai tiré sur la corde de déclenchement puis j’ai freiné ma descente d’un coup sec. À environ vingt pieds au-dessus de l’eau, j’ai tenté de me défaire de mon parachute ; j’ai échoué.

J’ai pénétré comme une masse dans la mer, enveloppé de mon parachute ballonnant. Il était peu probable qu’on m’ait vu tomber depuis la côte. Il était encore moins sûr qu’il passerait un navire. J’étais loin de la terre. J’allais mourir. Ça m’est venu comme ça. J’allais mourir et, étrangement, je n’avais pas peur. Cela m’est apparue comme une surprise. J’éprouvais une profonde curiosité et la satisfaction qu’en dedans de quelques minutes ou quelques heures, je connaîtrais enfin la réponse à la question que l’humanité se pose depuis toujours.

J’ai opté pour quelques minutes. Je n’avais aucune réticence à expédier la chose. M’étirant vers le haut, je réussis à dévisser la valve de mon gilet de sauvetage. L’air s’est échappée d’un souffle et ma tête fut submergée. J’ai déjà avalé une grande quantité d’eau avant de refaire surface. À nouveau, j’essayai, mais je n’arrivais pas à remettre mon visage sous l’eau. Exténué, je me suis allongé. Je me suis mis à rire. Je me souviens d’avoir entendu crier, comme dans un rêve. Ça venais de très loin, c’était déconnecté. Une voix a dit : «O.K. Joe ! C’est un des nôtres… ça bouge encore !» Je n’étais pas soulagé, ni faché. Ça ne comptait plus.

Tiré de « I became unconscious », une installation intégrant des éléments photographiques, vidéographiques et sonores de Katherine Knight.
Traduction : Jennifer Couëlle

Katherine Knight vit à Toronto. Elle s’intéresse à la mémoire et à la façon dont l’on modifie cette dernière pour qu’elle corresponde aux modèles de l’heure. Dans le portfolio présenté ici, l’artiste nous entraîne en plus dans une réflexion sur l’état de l’être où les notions de temps et de présent s’entrechoquent.