Javier Vallhonrat, Obras, 1995-2001 – Sylvain Campeau

[Hiver 2001-2002]

Édition Cultural Rioja, La Rioja, 2001
110 p. (46 ill. coul., 19 ill. n. et bl.)

Né en 1953 à Madrid, Javier Vallhonrat est un artiste espagnol dont l’œuvre a été maintes fois présentée, en expositions de groupe ou en solo, principalement en Europe (Espagne, France, Angleterre et Allemagne). Il est moins connu en Amérique faute d’expo­sitions majeures, bien qu’il y ait récolté quelques distinctions, dont la Silver Award du New York Times. En Espagne, son nom côtoie ceux de Joan Fontcuberta, Pere Formiguera, Daniel Canogar et Jorge Ribalta, artistes qui, presque tous, nous sont plus familiers. L’exposition que cette publication accompagne est une initiative du commissaire Rafael Levenfeld présentée à la Sala Amós Salvador, à Logrono. Elle se veut une rétrospective du travail réalisé par ce photo­graphe au cours des six dernières années et rassemble cinq séries : Cajas ; Escaleras, Lugares intermedios ; Lugares intermedios ; Roma ; ETH.

La première série, Cajas, nous apparaît particulièrement intéressante parce qu’elle semble recouper un ensemble de considérations sur la photo-sculpture. Cette série montre en effet des pièces volumétriques aux formes géométriques simples (tridimensionnelles, il va sans dire), dont les pourtours, découpant la figure, sont de bois. Le cœur de cette structure est occupé par une image-photo dont les tonalités, sombres et claires, se répartissent selon des angles et des à-plats qui suggèrent une sorte d’évidement d’un intérieur volumétrique, de creusement ou de protubérances créant l’illusion d’une tridimensionnalité créée de toutes pièces. Il est non seulement intéressant de soumettre ces pièces à notre sensibilité d’ici, nourrie d’exemples de photo-sculptures, et de les mettre en parallèle avec ces travaux, mais il est aussi captivant de voir le type de discours critique que cette production suscite en Espagne. Car il est clair que la notion d’espace est au centre de toutes les créations de Javier Vallhonrat et que cette série cherche à piéger la perspective en simulant le volume, en montrant la manière propre qu’a la photographie de créer, par la lumière et son cheminement sur la planéité de l’image, une impression de tridimensionnalité. De fait, tous les essais du catalogue reprennent cette notion de construction des espaces dont la série suivante, Escaleras, Lugares intermedios, est particulièrement révélatrice. On retrouve dans ces images les mêmes tonalités laiteuses, inondées d’une lumière irisée, bien que plus grisâtres cette fois, comme si ces images avaient été soumises à une solarisation. Dans cet ensemble, des escaliers plongent, au ras de surfaces apparaissant comme des murs, en des profondeurs qui se dérobent à nous, incertains que nous sommes devant ces épaisseurs dont il ne nous semble pas toujours qu’elles soient bien pleines, matérielles. Ne sont-elles pas plutôt le résultat de clairs-obscurs trompeurs et de lignes géométriques se déployant sur des surfaces planes ?

Il en va de même de ces autres lieux intermédiaires (Lugares intermedios) représentés dans la série des chalets. De simples maisons de carton-pâte, plantées sur des terres aux broussailles rares, montrent des fenêtres si luminescentes que ces lueurs révèlent, paradoxalement, qu’aucune vie ne peut y habiter. Ces maquettes architecturales sont des constructions éphémères, des créations de l’esprit, des maquettes moins utilitaires ou préparatoires à quelque construction que pures fantasmagories. La série intitulée ETH (sigle se rapportant à une école de génie technique de Zurich) fait référence à une série de ponts ferroviaires cons­truits au cours des années 20 dans les zones alpines inaccessibles d’un canton suisse. Ces constructions, à cause du paysage aux arêtes abruptes et des dénivellations inattendues d’où elles surgissent, semblent plus irréelles les unes que les autres et Javier Vallhonrat s’est justement ingénié à faire alterner images de ponts réels et images numériquement reconstruites.

De cette courte description, on comprendra que la constante dans cette production est de montrer comment se constitue, comme le note Santiago B. Olmo dans un texte du catalogue, l’ingénierie visuelle de la représentation photographique.