Les confidences de Ding et Dong, Serge Thériault et Claude Meunier – Michou Marchand

[Printemps 1990]


Propos recueillis par Michou Marchand

– Ding et Dong, qu’est-ce qui vous fait rire?

Dong : Ding et Dong ! Non. Beaucoup de monde nous font rire au Québec. Comme Rock et Belles Oreilles, André-Philippe Gagnon, Lemire, Verville, il y en a énormément.

Ding : Ce qui me fait rire, c’est ce qui touche le sens simple de la vie. Moi les affaires complètement flyées …Je n’ai pas d’idole, des fois je peux même être déçu… Je pense que c’est comme dans la vie. Tu prends une personne dans son entité, il y a des moments donnés dans sa vie de production ou de création où elle est moins drôle, puis y’a des années aussi.

– Il y a deux sujets que vous n’abordez jamais de façon directe : le sexe et l’argent. Pourquoi?

Dong : Parce qu’on n’a ni l’un ni l’autre.

Ding : Ah, il a pas d’argent lui? Le sexe pourtant c’est curieux… c’est pas vrai parce que les premiers sketches de Ding et Dong, il y avait du sexe dedans et on s’est fait reprocher de parler de sexe. Ce n’est pas une priorité d’en parler ou de ne pas en parler, ça fait partie de la vie. On va en parler à l’intérieur d’un couple mais peut-être aussi avec 2 personnages de gars, là, tu sais, alors l’interaction est peut-être pas la même… Pour l’argent, je sais pas.

– C’est quoi, l’humour?

Ding : La base de l’humour, c’est de regarder une situation et d’en rire deux minutes après, de prendre un recul. La justesse, c’est un mélange d’émotions universelles.

– Écrivez-vous ensemble?

Ding : Non, Claude écrit plus que moi, mettons 75 %. Il écrit les premiers jets, puis il me les redonne et je corrige. Ça part d’une émotion simple, de deux personnes qui ont du fun et après ça, on travaille la structure.

– L’humour a-t-il un rôle social ou est-ce que c’est juste le plaisir qui compte?

Dong : Je trouve que les gens prennent ça ben au sérieux, l’humour. Oui, ça a un rôle. Ça permet aux gens de se reconnaître, de rire d’eux-mêmes.

Ding : Des fois il y en a qui se cachent derrière une idée sociale, mais… nous, on est arrivé à une époque où ça se faisait beaucoup, parler de problèmes sociaux, d’avortement, de ci, de ça. Il y avait Deschamps, Clémence qui conscientisaient sur certaines choses. Ça ne nous donnait rien d’entrer dans ce créneau-là…

– Comment définiriez-vous votre créneau?

Ding : C’est entre la folie pure et le réalisme. Ça rejoint les deux personnalités qu’on est Claude et moi. Pour La p’tite vie, on est partis de ma mère qui est tout le temps énervée par tout… le téléphone sonne : elle pense qu’on va lui dire que bombe atomique est tombée. Le personnage père, c’est le père de Claude, qui est plus flyé au boutte ou bien il est angoissé sur certaines choses. On est parti de ça. Ça véhiculait aussi l’idée que les choses matérielles ne sont pas si importante que ça. L’important, c’est que la vie soit harmonieuse, que les gens fassent attention les uns aux autres…

– Est-ce que l’esprit de l’humour a changé depuis Paul et Paul, les gens perçoivent-ils l’humour de la même façon?

Ding : La perception du public face à l’humour qu’on peut qualifier d’absurde a changé parce que nous autres, on le faisait au début des années de Paul et Paul avec Michel Rivard et une gang de personnes. Puis on faisait des affaires bien bien flyées, mais les gens ne s’attendaient pas à ce genre d’humour-là. Ça a pris une couple de spectacles avant que les gens s’habituent. On les ramenait à des choses plus simples qu’ils connaissaient, puis on les pitchait de bord, comme un chandail qu’on revire à l’envers : regardez, on va vous montrer les coutures un peu, elles sont pas à la bonne place, pis là le monde dit : qu ‘est-ce que c’est ça, ce chandail-là? Comment ça se fait qu’il a l’air si droit quand on le regarde, pis là quand on l’a reviré de bord, y a pus de manches, y a pus de place pour mettre le cou?

– Qu’est-ce qui fait le plus chaud au cœur quand on voit une salle rire?

Ding : Ça vient d’abord du plaisir de s’oublier. Le plaisir physique est très très fort quand t’es devant une salle, c’est effrayant. C’est comme quelqu’un que tu as chatouillé beaucoup puis qui est plus capable, tu fais juste approcher ton doigt puis ils disent : Ah non… T’as chaud, tu sens que t’as donné à des gens. Je me souviens à Rimouski ou Matane, je marchais tranquillement et je rencontre un couple qui avait vu notre spectacle, qui marchait doucement. Ils riaient encore. Les yeux rieurs, pleins de joie, ils m’ont juste regardé et ils m’ont dit merci, et puis ils sont passés. Ça me suffisait.

– À qui s’adresse votre humour?

Ding : Aux 48-80.

Dong : Au monde en général.

– L’humour québécois s’exporte-t-il?

Dong : Oui, mais faut faire attention.

Ding : Les Français par exemple, ne comprenaient pas les personnages. Quand on est sortis de la loge, ils pensaient qu’on était deux chanteurs punk. Le réfèrent culturel n’était pas là. Tu sais, nous, on est comme deux gars de club un petit peu ratés qui ont de la misère mais qui se démerdent comme ils peuvent. Tandis que là-bas, les animateurs de boîtes de nuit sont tout le temps avec des nœuds papillons et des tuxedos. La seule personne qui riait dans le studio, c’était Denise Filiatrault. Elle avait du fun pour mourir, elle hurlait. On avait fait attention à l’accent pourtant, et aux expressions. C’est une question de rythme aussi, je crois. On a une livraison plus nord-américaine, c’est plus rapide. Sol marche très fort en France parce qu’il joue beaucoup sur la langue et les français adorent ça. Je ne dis pas qu’ils n ‘aiment pas autre chose de plus physique. Ils adorent Jerry Lewis, par exemple.

– Est-ce que c’est difficile de prendre de la distance par rapport à votre personnage?

Ding : Non. E.n général je m’en éloigne. Je vais parler comme lui des fois, mais Ding c’est un menteur et un ratoureux, il est très lent. Je ne pense pas être comme lui. Dong cherche toujours quelque chose. C’est un peu comme un écureuil avec une marmotte. Ça fait deux rythmes très différents qui se répondent. C’est la polarité qui est à la base du théâtre.

– Y a-t-il des choses dont on ne peut pas rire?

Dong : Ben certainement. C’est très difficile de rire de la maladie. Les gens ont toujours quelqu’un de malade près d’eux.

Ding : On a pas de censure au départ, on a sans doute une sorte d’éthique personnelle… on est pas méchants, notre humour est des fois rugueux mais il n’est pas méchant. On va tourner ça en se moquant de nous-mêmes.

– Sans être méchant, tu peux rire de n’importe quoi?

Ding : Ah bien tu sais, c’est des affaires simples, mettons les gens qui bégaient ou ont des handicaps physiques… mais tu peux le faire de façon très tendre en même temps.

– Bon et bien merci beaucoup, j’ai terminé. Avez-vous quelque chose de drôle à dire?

Dong : Absolument rien.

Ding : Ok, ben moi je vais continuer tout seul. C’est la plus belle interview à laquelle il m’a été donné de répondre. Mais je voulais préciser qu’à la réponse numéro 2, j’aurais dû répondre comme à la question 3 et à la 5 j’aurais dû répondre par le numéro 7, pour un total de 13 je crois…