39e Rencontres d’Arles, Christian Lacroix et ses invités : un regard anthropologique sur la photographie de mode – Serge Allaire

[Automne 2008]

par Serge Allaire

La semaine d’ouverture des 39es Rencontres d’Arles revêtait cette année un caractère exceptionnel. Le jour de l’inauguration, Maya Hoffmann, riche mécène et collectionneuse, suisse d’origine mais arlésienne de cœur et fondatrice de la Fondation Luma, annonçait un don de 100 millions d’euros afin de transformer les anciens ateliers de la SNCF en un complexe culturel dont la conception est confiée à Frank Gehry. Projet ambitieux qualifié par certains d’utopie culturelle, ce complexe dont la réalisation est prévue pour 2011, sera entièrement consacré à la photographie et à l’image en mouvement, avec des activités de recherche, de production, d’exposition, d’étude et de conservation. La Fondation Luma, les Rencontres d’Arles y logeront leurs bureaux et les éditions Actes Sud et l’École Nationale Supérieure de Photographie souhaitent également y installer leurs locaux. À la veille du quarantième anniversaire de fondation des Rencontres, cette nouvelle vient consacrer l’importance et la présence incontournable d’Arles dans le monde de la photographie.

Autre élément qui signale le caractère exceptionnel de ces Rencontres, la présence de Christian Lacroix, maître incontesté de la haute couture, qui agit à titre de commissaire et directeur artistique de cette 39e manifestation de l’événement. Lacroix, qui a d’abord étudié l’histoire de l’art à Montpellier et fait l’École du Louvre avant de se consacrer à la création de vêtements, renoue ici avec ses intérêts premiers pour la muséologie et l’histoire de l’art.

S’il était légitime de penser que le public aurait droit à un grand déploiement gravitant autour de l’univers de la haute couture et de la photographie de mode, il en aura été tout autrement. Certes, la photographie de mode est présente cette année, mais elle ne domine aucunement. En dépit de ses créations flamboyantes, Lacroix se fait de la mode une idée beaucoup plus anthropologique. « Un mode d’être, une manière de se montrer, de paraître ».2

Dans l’introduction au catalogue, Lacroix prévient déjà son public : « Ceux qui s’attendent à un festival fashinionista auront le droit d’être déçus 3. Il précisera en conférence de presse : « Je refuse d’être identifié exclusivement au monde de la mode ». Lacroix prend ainsi quelque distance face au glamour et aux orientations actuelles de l’image de mode.

C’est sous le thème Impressions photographiques que Lacroix présentait un programme ambitieux articulé en trois grands événements comportant chacun plusieurs expositions : D’Arles à la Maison Lacroix, La photographie vestimentaire et, sous le titre Invités, vingt expositions individuelles rendant hommage à des amis et collaborateurs de longue date. Au total, Lacroix aura mis en scène plus de trente expositions inédites de photographes de mode ou d’artistes dont il affectionne particulièrement l’œuvre. Des coups de cœur pour la plupart.

D’Arles à la Maison Lacroix

Dans cette exposition en deux volets, Lacroix rend hommage à sa ville natale et montre les liens que son œuvre entretient avec elle. « Je tenais aussi à ce qu’Arles et les Arlésiens soient partie prenante de cette édition », insiste Lacroix4. Cette importante section, présentée au Palais de l’Archevêché5, est ainsi consacrée à l’histoire d’Arles et de sa région. Françoise Riis, amie d’enfance originaire d’Arles et journaliste, a agi à titre de commissaire invitée pour exhumer les images permettant de reconstituer l’album de famille arlésien. Privilégiant les images d’Arles réalisées par des photographes originaires de la ville, elle rend ainsi hommage à ses pionniers.

Le projet inclut un hommage à Lucien Clergue, photographe et fondateur des premières Rencontres, dont les images ont profondément marqué l’imaginaire du jeune Lacroix. Venaient s’y joindre des images réalisées par les studios arlésiens et des photographies d’amateurs trouvées dans les fonds d’archives départementaux, les musées ou les collections privées auxquelles étaient aussi greffées des coupures de presse, des cartes postales et des photographies policières. Pour compléter cet album de famille, Lacroix consacrait une salle de l’exposition à des photographies de mariage d’Arlésiens, obtenues par le biais des journaux locaux.

Véritable travail d’archéologie, l’exposition prenait ainsi les allures d’une immense mosaïque tentant de restituer la physionomie de la ville à travers les grands et les petits événements qui en ont marqué l’histoire depuis la fin du XIXe siècle. Lacroix matérialisait ainsi le théâtre qui a nourri son imaginaire depuis l’enfance. L’un des temps forts de l’événement, cette exposition regroupait la variété des pratiques et des usages sociaux de la photographie en un ensemble restituant une mémoire collective, comme un miroir tendu à chacun de ses concitoyens.

Parallèlement à ce volet historique où s’enchevêtraient souvenirs personnels, images de famille et chroniques historiques, Lacroix présentait au cloître Saint-Trophime un autre volet qui donnait à voir les liens unissant sa création à l’esprit arlésien. Il réunissait les images de Jérôme Puchs, directeur des communications de la Maison Lacroix, et d’Alain Charles Beau, qui présentait l’atelier de couture, les salles d’essayage, les coulisses des défilés. Pièce maîtresse de ce volet, les cahiers de notes de Christian Lacroix, véritable scrapbook où il accumule, juxtapose et superpose des images de toutes provenances (coupures de presse, images glamour, photos de reportages, de l’histoire du vêtement, d’échantillons de tissus), qu’il accompagne de commentaires écrits et d’où émergeront progressivement les formes et silhouettes de ses prochaines collections. Véritable témoin du processus créateur, c’est dans ces cahiers que l’on reconnaît l’approche éclectique et le refus des hiérarchies que privilégie Lacroix.

La photographie vestimentaire

Olivier Saillard, responsable de la programmation des expositions de mode au Musée des Arts décoratifs à Paris, et proche collaborateur de Lacroix, proposait quant à lui une série de six expositions sous le titre Photographie vestimentaire. Le choix de cette expression désigne tout un segment de la photographie de mode destiné à un public restreint et spécialisé, mal connu parfois et même méprisé parce que souvent dénué d’enjeux esthétiques. Il a cherché, dans les réserves du Musée des Arts déco et les archives des grandes maisons de couture ou des grands magazines des images, souvent anonymes, essentiellement destinées à des usages documentaires, commerciaux ou juridiques. Saillard nous invite ainsi dans les coulisses de la mode, avec des photographies de défilés, de look books6, de catalogues de collections ou destinées à des inventaires ou au dépôt de copyright. Si quelques-unes de ces images sont signées Man Ray ou Hoyningen-Huene, la plupart sont anonymes. Cette série accorde aussi une place de choix à l’image de mode en mouvement, depuis un court métrage de Marcel L’Herbier, La mode rêvée (1938), réalisé au Louvre, en passant par des reportages réalisés pour la télévision jusqu’à des vidéos se substituant, chez certains créateurs, aux défilés traditionnels.

Ce volet comprenait une exposition d’un intérêt particulier réalisée au moyen des archives de Vogue, sous le titre Nature morte. Ce terme consacré par l’usage fait référence à la mise en scène des accessoires (souliers, gants, bijoux, parfums) pour laquelle des photographes tels Avedon, Bourdin et Thomas Lagrange ont rivalisé d’imagination. Cette perspective historique se concluait par une section consacrée au blog qui constitue pour Saillard une nouvelle forme de magazine d’actualité. Ces nouveaux objets d’étude qui élargissent le domaine de recherche rappellent, insiste Saillard, que la mode n’est pas qu’enjeu esthétique mais aussi objet de consommation soumis aux lois du marché.

L’ensemble de ces expositions permet de souligner le point de vue critique de Lacroix et la distance qu’il prend face aux orientations actuelles de la photographie de mode. Assez paradoxalement, la seule exposition entièrement consacrée à la photographie de mode dans une perspective historique (Variation sur le modèle, réalisée avec la collaboration d’Agnès de Gouvion Saint-Cyr, à l’aide de la collection du Fonds national d’art contemporain) était présentée dans un lieu complètement excentrique et difficile d’accès. Autre symptôme sans doute de la distance qu’entretient Lacroix avec le milieu.

Les invités

Sous le titre Invités, Lacroix proposait vingt expositions individuelles réunissant tant des photographes de mode que des artistes qui privilégient la photographie ou la vidéo. À plusieurs photographes de mode, Lacroix avait demandé de présenter des projets manifestant des préoccupations personnelles et une forme d’engagement, plutôt que leurs images de mode, ou alors un mélange des deux. Dans l’ensemble, on constatera que les coups de cœur de Lacroix ne sont jamais très éloignés du monde de la mode : y dominaient le portrait, le corps ou le vêtement en tant qu’il participe de la construction de l’identité. Mais son choix de donner à voir, par le moyen de la photographie, les liens affectifs et intimes qui lient l’individu à son existence dénotait un refus de se cantonner exclusivement dans l’univers de la mode et une mise à distance de ses orientations actuelles.

Une importante exposition était ainsi consacrée à Richard Avedon, dont l’œuvre était exposée pour une toute première fois en France. Au moment où le musée du Jeu de paume lui consacrait une rétrospective, Lacroix choisissait, en collaboration avec Christian Caujolle, de présenter en inédit le dernier projet de mode d’Avedon, au moment où celui-ci abandonnait la photographie de mode pour se consacrer au portrait. Intitulée En souvenir des regrettés Mr et Mrs Comfort. Une fable de Richard Avedon7, cette allégorie conçue comme une vanité met en scène la rencontre d’un mannequin-vedette avec la mort, sous la forme d’un squelette à la fois cynique et libidineux qui le pourchasse. Cette fable satirique sur l’image de mode fut une manière pour Avedon de tirer sa révérence après une prestigieuse carrière au cours de laquelle il aura contribué à définir un style et une manière encore cités par beaucoup de jeunes photographes.

Paolo Roversi et Peter Lindberg, des amis de Lacroix, figuraient aussi aux côtés d’Avedon. Roversi, reconnu pour avoir révolutionné l’image couleur, présentait un projet personnel en noir et blanc intitulé L’atelier. Le studio y apparaît presque nu, habité seulement par les appareils photo, quelques accessoires et des tentures, une série d’icônes ponctuée par les images de ses modèles favoris. Peter Lindberg proposait, lui aussi, un essai en noir et blanc intitulé Tout Beauduc (1990-2007), qui offrait un bilan des images réalisées sur les plages de Beauduc, lieu mythique de la région d’Arles.

À côté de ces monstres sacrés, Lacroix a choisi de jeunes photographes qui incarnent les nouvelles orientations de l’image de mode qu’il préconise : rejet de l’hypersexualisation, du porno chic, du trash et de la beauté fabriquée à force de manipulations numériques, au profit des valeurs de l’imaginaire, du ludique et de la poésie. Formé à l’École Nationale Supérieure de Photographie (Arles) et prix du Jeu de paume en 2003, Grégoire Alexandre a collaboré au catalogue Histoire de mode qui célébrait les 20 ans de la Maison Lacroix. D’une grande simplicité, ses images privilégient la présence du vêtement et les dispositifs simples à l’aide d’éléments empruntés aux accessoires de studio, sans pratiquement avoir recours au numérique. Le jeune photographe britannique Tim Walker, assistant de Richard Avedon qui a publié dans Vogue, W et Vanity Fair, inscrit ses images dans la tradition initiée par Cecil Beaton au cours de la décennie 1930. Il partage avec Alexandre des valeurs oniriques et ludiques, avec toutefois des dispositifs plus proches des grandes mises en scène cinématographiques. Françoise Huguier, collaboratrice de la première heure et celle qui a saisi les premiers défilés de Lacroix, compte aussi parmi les grands noms de la photographie documentaire en France. C’est à ce titre qu’une rétrospective fut présentée au Théâtre antique lors de la soirée inaugurale. À la suggestion de Lacroix, elle présente l’une de ses dernières réalisations documentaires d’envergure, Kommunalki (2002-2007), où elle a observé la vie quotidienne dans les appartements communautaires de Saint-Petersbourg (Édition Actes Sud, 2008).

Grégoire Korganov, photographe reporter, collaborateur de Libération mais aussi de Lacroix, s’est affirmé depuis 2003 comme spécialiste des coulisses de la mode et observateur de l’atmosphère fébrile précédant les défilés. Parallèlement à la présentation de ses images de mode, Lacroix a insisté pour qu’il présente sa dernière œuvre personnelle, Le parloir sauvage (2005), portant sur la rencontre de prisonniers et de leurs familles et montrant la détresse, la dignité et la solitude de ces femmes et de leurs proches suivis jusque dans leur intimité. Lacroix a aussi retenu des travaux qui, dans une approche documentaire maintenant classique (frontalité, cadrage serré, sujet centré), voisinent les formes du documentaire engagé et portent intérêt à la fonction du costume ou de l’uniforme dans la construction sociale et symbolique de l’identité. Ainsi en est-il de Charles Fréger qui offre un choix d’images tiré de la série Empire (2004-2006), sorte d’inventaire des tenues imposées par différents groupes sociaux, gardes royaux ou princiers, où transpirent les singularités individuelles. Dans une approche qui s’apparente à la photographie scolaire d’autrefois, Vanessa Winship porte quant à elle un regard plein de tendresse sur de jeunes écolières d’Anatolie orientale en uniforme. Le photographe d’origine nigérienne Samuel Fosso privilégie le travertissement pour mettre en scène des identités multiples conjuguant stéréotypes et personnages imaginaires. Le travestissement est par ailleurs objet de catharsis pour de jeunes prostituées, sorties du réseau et intégrées à un programme de développement personnel, qu’Achinto Bhadra a choisi de suivre dans leur quête d’une nouvelle identité. Pour conclure cette thématique de l’identité, on ne peut passer sous silence la remarquable série de portraits, évoquant la tradition de peintres tels Murillo ou Vélasquez, que Pierre Gonnord a consacrée à des figures marginales. Présentés sur un fond très noir, insistant sur l’intensité d’un regard plutôt que sur le vêtement, ces portraits révèlent un aspect particulier de l’identité, la dimension tragique de l’être humain.

Lacroix a encore retenu trois artistes dont l’œuvre s’inscrit dans la lignée de ses cahiers de notes. Dans Images de la rue (1982-2007), Joachim Schmid a recueilli dans la rue, au hasard de ses parcours, quelque 900 photographies perdues ou rejetées par leurs propriétaires. Souvent froissées ou déchirées, ces images s’offrent comme le symptôme d’une évacuation du souvenir, dans une société saturée de mémoire. Jean-Christian Bourcart, qui se dit fasciné par les mises en scène du bonheur, présente quant à lui une collection de photographies de mariages ratées, ou refusées par les clients de studios commerciaux, sous le titre Le plus beau jour de la vie. Ainsi récupérées de l’anonymat, ces images acquièrent une nouvelle fonction qui témoigne à la fois des codes de représentation populaire de la fin du XXe siècle et des failles d’un bonheur idéalisé. L’œuvre de Joël Bartolomeo, dans Cahier de rêves (2002), est sans doute celle qui montre le plus d’affinités avec les cahiers de Lacroix. À la manière du journal intime, il dispose dans de petits cahiers des images d’actualité politique provenant des médias et les assortit de commentaires manuscrits consignant ses réflexions sur la violence, la guerre, la répression et la solitude de l’individu.

Pour terminer, deux expositions à caractère historique montrent des images liées aux souvenirs d’enfance ayant alimenté l’imaginaire de Lacroix : Les insoumises et un solo consacré à Henri Roger (1869-1946). Les insoumises est une collection de cartes de visite des courtisanes et cocottes les plus célèbres sous le Second Empire, accompagnée de commentaires tirés des fiches signalétiques établies par la police des mœurs sur les activités de ces dames et leurs fréquentations. Montée par Laure Deratte et présentée en collaboration avec la galerie Lumière des roses, cette petite exposition fait voir à sa manière une histoire du costume et des comportements vestimentaires.

La fascination de Lacroix pour le Second Empire fut alimentée, lorsqu’il était adolescent, par la découverte d’un ouvrage d’histoire, Le Second Empire nous regarde d’Emmanuel Berl, tout comme par celle des expérimentations et des montages photo d’Henri Roger dans un ouvrage appartenant à la bibliothèque de ses grands-parents. Photographe amateur de la fin du XIXe siècle, Henri Roger a consacré une part importante de sa vie à expérimenter les différents procédés et techniques de la photographie, en prenant pour thème la vie quotidienne de sa famille et en pratiquant de manière assidue l’autoportrait. On lui reconnaît l’invention, au cours des années 1890, de la « bilocation » et de la « trilocation », procédés permettant une autoreprésentation multiple illustrée par son fameux autoportrait Le photographe se regardant jouer aux dames (1893).

D’autres expositions jouent encore de la mise en scène du corps (corps objet, corps matière, corps souffrant), entre autoportrait et autofiction, telles celles consacrées à Georges Tony Stoll et à Patrick Swirc. Parmi tous ces invités, Guido Mocafico constitue une exception en abordant la nature morte pour revisiter des œuvres marquantes des XVIIe et XVIIe siècles.

Le théâtre imaginaire de Lacroix : autobiographie et identité

Les Rencontres d’Arles de cette année ont donc été à l’image du travail de Lacroix, de sa création et des carnets de travail qui président à l’élaboration de ses collections : métissées, éclectiques, excessives, baroques, faites de débordements. Mais ce n’est qu’en apparence. En dépit du thème générique d’Impressions laissant croire à une orientation autobiographique, le programme offert par Lacroix nous aura, en fin de parcours, conduits là où on ne l’attendait pas vraiment et aura ainsi déjoué toutes nos attentes. Partant d’une expérience intime, de sa passion pour la photographie et la mode, convoquant collaborateurs et amis, mobilisant presque toutes les ressources de la photographie, de l’archive à ses usages sociaux, du document social à la photographie dite d’expression ou conceptuelle, Christian Lacroix nous aura finalement conviés à une réflexion sur les enjeux identitaires. Il nous avait prévenus dès le départ : les adeptes du fashionista auront le droit d’être déçus; lui se refuse à être cantonné dans le seul univers de la mode.

Au moyen de l’image photographique, Lacroix aura su écrire les identités de sa ville, puis de sa maison de couture. Au-delà des images attendues de la mode, de ses excentricités, il aura su faire voir l’importance du vêtement dans la construction de l’identité sociale et symbolique de l’individu, tout en embrassant les diverses facettes du milieu de la mode : de la création à sa diffusion, des coulisses à son avant-scène. En conférence de presse de clôture, on a évoqué la notion d’art total. Ce à quoi, avec un brin d’humilité, Lacroix a acquiescé. On n’en était, de fait, pas si loin ; plus qu’une simple exposition sur la mode, ou sur l’image de la mode, on a eu droit à une histoire de la photographie, enchevêtrant sans égard aux hiérarchies la multiplicité de ses usages et de ses pratiques. La démonstration de Christian Lacroix, commissaire, a été brillante.

Dans cette accumulation qui donnait tant à voir, on peut regretter l’absence d’analyses et de balises orientant la lecture de certaines expositions. Le public était parfois dépassé, laissé à lui-même face à ces excès, à ce trop-plein qui demandera un bon moment de réflexion. Mais, à ceux qui lui reprochaient cet excès, François Barré répondait de manière laconique lors de la conférence de clôture de cette semaine d’inauguration : « Comme au restaurant, on ne peut goûter tous les plats offerts au menu. Il faut choisir. L’important est que la qualité des plats offerts soit excellente ».

1 Le séjour à Arles et la rédaction de cet article ont été rendus possibles grâce à l’appui financier des programmes Mise à jour des connaissances et Perfectionnement court SCCUQ -’UQAM.2 Christian Lacroix, « Rencontres d’Arles, Impressions photographiques », Rencontres d’Arles 2008, 39e édition, Actes Sud, 2008, p.11.

3 Idem.

4 Idem.

5 Le choix du Palais de l’Archevêché revêt un caractère symbolique particulier pour Lacroix. C’est le Palais de l’Archevêché « qui logeait la bibliothèque municipale où mon grand-père maternel, employé de la SNCF et fou de savoir, me faisait découvrir les livres » (Lannelongue, M-P, « Air du temps », Le Nouvel Observateur, Paris, 3-9 juillet 2008, page 2).

6 Les look books, constitués d’images réalisées à l’issue des défilés, sont à mi-chemin entre la photographie d’inventaire et celle de mise en scène et sont destinées à des fins communicationnelles et commerciales.

7 Le titre original du portfolio est In Memory of the late Mr and Mrs Comfort. A fable by Richard Avedon. Publié en première par le New Yorker (6 novembre 1995) et par la suite en extrait dans Libération (11 et 12 novembre 1995) et Paris Match (30 novembre 1995), ce portfolio n’a jamais fait jusqu’à maintenant l’objet d’une exposition.

Serge Allaire est commissaire indépendant, critique d’art et chercheur. Ses contributions ont porté sur l’histoire de la photographie, de l’art et de la mode au Québec. Il enseigne l’histoire de l’art et de la photographie au Département d’histoire de l’art de l’UQAM.