Passion d’une fille pour un garçon perdu – Yves Boisvert

[Printemps 1989]

par Yves Boisvert

Comme jeune flagorneur prend toujours l’autobus; je vais lui en acheter une ‘flotte, ça lui donnera peut-être le goût d’un autre siège. J’aimerais également me pencher vite et qu’il m’en refile quelques arpents une bonne fin de semaine de pluie dans un corridor de polyvalente. Qu’il me fende si ça lui chante.

J’aimerais assez qu’il vienne jouer de la guitare dans mon ventre. Et qu’il s’écorche les lèvres sur moi vers la fin de sa Session. C’est un garçon perdu, aux comptoirs habitué le vertige d’un faux pli fait plier sa cravate.

Dis-moi que tu me désires
et lance-toi à couilles rabattues entre mes jarrets.
Dis-moi que t’as le goût de vriller ma charnière
je suis native de l’humidité
dis-moi le flanc du navire que je sache l’ogive, re-sois macho, c’est tellement plate
les gars qui passent leur temps à nous respecter
ils disent qu’on est fine à parler
dis-moi que les autres filles ne comptent pas
dis-moi qu’à ce temps-ci j’existe
que je suis ouvertement possible
que tu disposes d’une idée me concernant
que tu prépares un projet: un article 38 pour mes 19 ans
que tu fréquentes mes bars, mes ruelles, mes lofts, mes vêtements.
DIS-MOI QUE t’aimes mon linge, enlève-le
que tu respires ma bouche, remplis-la
que tu te lances en affaires sur mes jambes, enserre-les
ECARTE-LES, ENFOUIS-MOI QUE RUISSELLENT LES CHOSES QUI FONT VIVRE
EXPLOSE EN MOI, FAIS LE VIDE
ET REDONNE-MOI L’ARDEUR, LA BONNE NOTE ET LES VACANCES.

Je serai ta grotte aux résurrections où s’affolent d’autres hélianthes
ta correspondance pour Amsterdam, La Courneuve ou Laurier/Saint-Laurent
dis-moi que tu m’attendais déjà en Prématernelle
que ton Primaire fut terrible et long
fais-moi un peu de peine et viens tout de suite corriger tous les torts, nous dirons que c’est l’ordinateur comme ils le font pour le reste
défie les ordres qui m’ont fait aboutir à mon contraire
punis-moi d’être en retard
force-moi à meilleur, à pire, à plus, à plus souvent
dis-moi que la rue n’est rien si tu ne me prends pas dans la rue.
C’est un garçon perdu, aux comptoirs habitué
et je me vengerai dans le miroir d’en face.

Ouvre-toi des rideaux pour les épanchements d’aurore
lève-moi, couche-moi, relève-moi, et bataille
martelle-moi, totem d’acide et de flammes
et prends-moi d’une autre manière, et traite-moi sans manière
que je te prenne à mon tour pour secouer un peu ta patrie de pisseux.