[Hiver 2012]
par Jacques Doyon
Jacques Doyon : Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler les circonstances qui ont amené le RCAAQ à développer depuis quelques années déjà un service de distribution des publications réalisées par ses membres ? Quel bilan faites-vous de cette initiative ?
Bastien Gilbert : Lors du Forum sur les arts visuels organisé par le Conseil des arts et des lettres du Québec en 2006, le manque de visibilité des publications en art actuel, principalement dues à l’absence de véritable distribution, a été constaté par l’ensemble des participants. Le RCAAQ s’était déjà penché sur ce problème dès l’année 2002. En réalisant tout d’abord une étude sur les publications des centres d’artistes pour en évaluer autant le corpus que les thèmes traités et les problèmes liés à leur mise en marché. On a constaté alors qu’avec une moyenne de soixante-cinq publications par année, les centres d’artistes ajoutaient une valeur significative à la réflexion québécoise sur les arts visuels; toutefois une grande partie de ces ouvrages dormaient dans les réserves de petits éditeurs, mal équipés ou peu au courant des contraintes du marché du livre. De plus, en 2003, le RCAAQ a tenu un colloque à Québec intitulé Tiré à part/Off Printing où des participants québécois et canadiens étaient invités à se pencher sur la question de l’édition par les centres d’artistes autogérés. Faisant suite à ces deux premières étapes, le conseil d’administration du RCAAQ décidait en 2005 de mettre sur pied un Service de promotion des publications à l’intention de ses membres. Ce service a été soutenu dès l’origine par le Conseil des arts et des lettres du Québec qui en comprit vite l’effet structurant pour le milieu; le Service des lettres et édition du Conseil des Arts du Canada, en collaboration avec le Service des arts visuels a également vu l’intérêt de cette initiative qu’il soutient également. Le Service de promotion des publications s’est d’abord attaché à améliorer l’édition à deux niveaux : en informant et en conseillant les responsables des publications sur les exigences de la chaine du livre au Québec et en améliorant la distribution auprès des clientèles locales. On avait en effet constaté à notre grande surprise que la distribution sur le territoire québécois francophone était tout à fait déficiente et que les publications ne se rendaient pas dans les librairies. Partant du postulat qu’un public intéressé et désireux d’acquérir ces ouvrages existait bel et bien sur l’ensemble du territoire, le RCAAQ s’est donc mis à la recherche d’un distributeur intéressé à partager avec nous cette conviction. Le distributeur Édipresse nous a procuré dès la première année des résultats étonnants qui confirmaient qu’une clientèle inconnue à ce jour existait, qu’elle s’intéressait à des publications dont elle n’avait pas eu connaissance jusqu’à ce moment et qu’elle était également désireuse de les acquérir. Les chiffres de vente étaient convaincants à tous égards.
JD : Depuis la fermeture de la librairie Olivieri au Musée d’art contemporain, nous n’avons pratiquement plus accès aux publications en art contemporain à Montréal. Pour un milieu si dynamique, c’est une situation particulièrement intolérable. Est-ce essentiellement cette situation de manque qui vous a amené à plonger dans l’aventure de la création d’une librairie spécialisée en art contemporain ?
BG : Il est certain que le retrait de la librairie Olivieri au Musée d’art contemporain a suscité au RCAAQ interrogations et recherches de solution à une situation en effet intolérable, et ce, avant même que notre organisme soit invité à participer à l’aventure du 2-22. Mais, notre intention d’ouvrir une librairie en lieu et place d’Olivieri a vraiment pris son envol lorsqu’en avril 2010, nous avons intégré le projet qui s’appelait imago à l’époque et qui est devenu aujourd’hui Art Actuel 2-22. Par ailleurs, le RCAAQ ne se lance pas dans cette aventure commerciale sans avoir développé une expertise et acquis un ensemble de publications. Mené avec vigueur et créativité par Jean Lalonde et Patrick Vézina, infatigables et intrépides aventuriers chercheurs de livres d’art, le Service de promotion des publications a cumulé les expériences en la matière. En effet, nous avions déjà créé une librairie en ligne, proposant plus de sept cents ouvrages venus tant des centres d’artistes que de tout éditeur intéressé. Grâce d’abord aux foires du livre d’art que nous fréquentons, à New York au premier chef depuis quatre ans et à Tokyo l’année dernière, le Service de promotion des publications du RCAAQ est connu et reconnu de nombreux éditeurs au Québec, au Canada et dans le monde. Nous travaillons constamment à acquérir divers ouvrages qui peuvent intéresser nos clientèles ; nous développons des liens avec les musées, les centres d’exposition et les universités. L’ouverture d’une librairie dont il faut espérer qu’elle vive et survive à une époque réputée difficile et aléatoire pour la vente de livres requiert non seulement l’enthousiasme de ses instigateurs, mais également une extrême prudence dans le champ miné de la transaction commerciale ! Le RCAAQ reçoit de l’aide à ce chapitre, notamment des organismes de développement économique et communautaire, tels la cdec du Plateau Mont-Royal et surtout actuellement la Société de développement économique de Ville-Marie. Grâce à elles, le RCAAQ est accompagné, soutenu et conseillé en tant qu’organisme d’économie sociale désireux de développer son autonomie financière.
JD : Pourquoi le nom Formats ? Quelles orientations recouvre-t-il quant à l’éventail de publications qui seront offertes et quant aux activités éventuellement prévues (discussion, animation, éducation, etc.) pour faire de la librairie un lieu fréquenté ? Quel genre de mandat vous êtes-vous donné en tant que libraire ?
BG : Avant même de désigner les dimensions ou la taille d’un objet, le mot Formats, selon le dictionnaire, désigne les différentes caractéristiques que peut prendre un livre ou les dimensions d’une feuille de papier. C’est pourquoi, ce nom issu d’une séance dirigée de remue-méninges, a fini par rallier l’accord de tous ses participants et, bien sûr, le fait surprenant qu’il était disponible ! Six mois plus tard, il tient toujours la route, après avoir roulé de nombreuses fois sur nos langues… Du fanzine au livre de luxe, il existe différentes sortes d’ouvrages sur l’art, comme il existe plusieurs médiums, plusieurs disciplines en art actuel. Les publications sur l’art contemporain prennent des formes aussi diverses que les œuvres d’art actuel elles-mêmes.
Les activités prendront également diverses formes : lancements, discussions, tables rondes, ateliers, entre autres. La librairie entend être très proche (et au courant) des expositions ayant lieu sur le territoire montréalais, québécois et à l’international afin d’être à même d’offrir la littérature pertinente. Il est important de souligner cependant que Formats est un service du RCAAQ qui, en tant qu’association des centres d’artistes, désigne ceux-ci comme sa première clientèle qu’elle soit de Montréal ou de n’importe où ailleurs au Québec. C’est pourquoi, la librairie sera d’abord et avant tout la vitrine montréalaise des publications et des activités des membres du RCAAQ.
JD : De quoi votre inventaire sera-t-il fait ? Que trouverons-nous sur vos rayons ? Catalogues, livres de référence, essais, magazines et revues, livres d’artistes, tirages limités, livres rares, etc. ? Vous en tiendrez-vous uniquement à des publications en français ou bilingues ? Avez-vous de Ciel variable, nous devrions avoir atteint les deux mille titres et une grande variété d’ouvrages. Votre liste donne un bon exemple de sa diversité future : tout livre sur l’art actuel, théorique, strictement visuel ou expérimental, pourra prendre place sur les rayons de Formats. L’inventaire sera spécialisé en art actuel, puisque c’est dans ce domaine qu’œuvre le RCAAQ. Éventuellement, nous comptons tenir des publications relatives à diverses disciplines artistiques tels les arts médiatiques, la danse contemporaine, le théâtre, la musique actuelle, le cinéma d’auteur, etc. Nous visons le public francophone et anglophone de Montréal. Il y aura des livres publiés dans d’autres langues, ceux basés principalement sur les images (photographie, dessin). Grâce aux partenariats que nous avons établis au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie, une sélection de livres en langues étrangères seront également disponibles sur commande. Nous avons développé des relations avec plusieurs éditeurs et distributeurs internationaux. Nous avons signé des ententes avec des distributeurs européens, américains et japonais ! Et bien entendu, nous avons des comptes ouverts chez les distributeurs québécois. La liste de nos fournisseurs s’allongera après l’ouverture de la librairie puisque nous désirons nous tenir à jour et augmenter continuellement la quantité et la qualité des publications que nous offrirons.
JD : Entendez-vous aussi refléter la diversité et la multiplicité des revues et magazines qui se publient actuellement dans tous les coins de la planète et ainsi nous mettre en contact avec l’actualité des diverses scènes artistiques ? Pourrons-nous trouver chez vous les publications d’éditeurs spécialisés en photographie, tels les Nazraeli Press, KesselsKramer ou Aperture pour n’en mentionner que quelques-uns ?
BG : Les revues spécialisées en art contemporain sont un type de publication qu’on ne peut négliger et nous prévoyons en tenir une grande variété. Des ententes avec plusieurs distributeurs sont en place ou déjà engagées. Nous tiendrons la majorité des revues culturelles publiées au Québec et au Canada, ainsi que les revues de pointe comme Aperture, et pour en nommer d’autres, nous avons déjà des liens priviégiés avec plusieurs magazines canadiens comme Fillip, Pyramid Power et Hunter & Cook. À l’étranger nous avons entre autres Fukt (Allemagne), Volume (Pays-Bas), Butt (Pays-Bas), Gagarin (Belgique), Open Cahier on Art and the Public Domain (Pays-Bas), Veneer (États-Unis), Mousse Contemporary Art Magazine (Italie). L’ajout de magazines culturels se fera continuellement et nous travaillons déjà avec nos clients afin d’offrir la plus grande diversité possible. Nous sommes ouverts à toutes les suggestions !Les livres de photographies relatifs à des pratiques actuelles occuperont également une place d’importance à Formats. Nos bonnes ententes avec des distributeurs de partout dans le monde nous permettront de tenir en inventaire des livres qu’on ne trouve habituellement pas en librairie, tels les Nazraeli et KesselsKramer.
JD : Quels seront vos publics cibles, outre le milieu spécialisé ? Quels sont les efforts qui seront faits pour élargir le public de l’art contemporain ? Offrirez-vous par exemple des publications à grande distribution, mais de qualité, telles celles de Phaidon ? Chercherez-vous à rejoindre le public plus spécialisé de collectionneurs de tirages limités ou de publications de luxe ?
BG : Formats est un nouveau commerce qui doit se constituer une clientèle. Et elle ne sortira pas de sous les pierres par une quelconque grâce divine… Nous serons donc modestes dans nos premiers objectifs en souhaitant que les artistes, les chercheurs, les enseignants et les étudiants en art, de Montréal et d’ailleurs mettent un (premier) pied chez nous ! À moyen terme, nous espérons obtenir le statut de librairie agréée spécialisée, pour offrir nos services aux médiathèques et aux bibliothèques publiques et universitaires.Par la suite et si tout va bien, les activités tenues à Formats devraient nous permettre de rejoindre un plus vaste public. La librairie pourrait alors devenir une « ambassadrice des possibles » en matière de livres d’art et d’art actuel. Notre situation au cœur du Quartier des spectacles pourra également nous faire connaître d’un public élargi ; et bien sûr, nous entendons pour ce faire profiter de l’achalandage de Vox, d’Artexte, de CIBL, de la Vitrine, et pourquoi pas de la clientèle du restaurant qui se trouve au rez-de-chaussée ? Nous comptons tenir des ouvrages sur l’actualité artistique de Montréal, du Québec et d’ailleurs dans le monde – les expositions les plus courues à New York ou à Paris font parfois des vagues jusqu’à nous.
Bien entendu, notre clientèle trouvera chez nous des ouvrages des éditions Phaidon ou Taschen ; ces livres font partie de l’écosystème du livre sur l’art. D’autres ouvrages moins couramment disponibles en librairie mais tout aussi nécessaires seront offerts : les Éditions de Minuit, les Presses du réel, mit Press, jrp Ringier, Printed Matter pour n’en nommer que quelques-uns. Ce qui fera notre renommée, par contre, ce sera la variété de notre inventaire, de manière à offrir plusieurs ouvrages sur un artiste précis ainsi que la possibilité pour les clients de bénéficier d’une équipe de libraires qui se feront un plaisir de commander des titres particuliers ou difficiles à obtenir. Nous tiendrons également des livres d’artistes, des éditions limitées (dites editions, en anglais), là où le livre devient une œuvre d’art, autre réalité qui fait partie de l’écosystème du livre sur l’art. Nous aurons une grande variété de publications indépendantes et de fanzines. Parmi nos autres publics cibles, nous entendons desservir la communauté queer, dont les publications sont souvent distribuées de pair avec celles touchant l’art actuel.
JD : Envisagez-vous qu’une telle aventure soit viable (minimalement rentable) dans le contexte québécois, même en prenant en compte la réouverture possible d’une succursale de la librairie Olivieri dans le Quartier des spectacles ?
BG : Dans le seul secteur compris entre la rue Berri et la rue de Bleury, il existe au moins cinq librairies de tailles diverses dont on peut penser que ce sont des concurrentes. Nous voulons présenter Formats comme un complément à ce que ces derniers offrent. Même si l’une d’entre elles vient de fermer (Guérin, rue Sainte-Catherine), sans que nous en connaissions les raisons, nous n’oublions pas que nous sommes situés au cœur du Quartier latin et donc près d’une des clientèles les plus susceptibles de nous fréquenter. Nous ferons tout ce qu’il faut pour la rejoindre. Par ailleurs, nous avons expérimenté à plusieurs reprises la tenue de mini-librairies en étalant nos tables de vente lors de divers événements : les Ateliers Portes Ouvertes (apo), Expozine entre autres. Nous avions mis en place une véritable librairie (avec étagères, comptoir, fauteuils de lecture, etc.) lors de la Conférence Res Artis 2010 : elle a produit des ventes records ! Formats se trouve également sur Internet (librairieformats.org), ce qui nous permet de rejoindre une clientèle internationale. Cette vitrine Web contribuera certainement à notre viabilité financière.
JD : Quel constat faites-vous par ailleurs du niveau de l’édition en art contemporain au Québec et au Canada actuellement ? Avez-vous l’ambition de stimuler le cours de l’édition en exposant le public d’ici à ce qui se fait ailleurs ?
BG : C’est une vaste question qui peut appeler une aussi vaste réponse, et nous sommes peut-être à l’étroit pour y arriver aujourd’hui. Mais retenons que la quantité et la qualité de ce qui est publié sont surprenantes compte tenu des différentes contraintes que sont (dans notre beau pays…) le financement, le temps, le personnel et les possibilités de diffusion. Le Québec et le Canada sont bien servis par la littérature et les écrivains sur l’art. Les éditeurs indépendants font preuve de créativité et de dynamisme. Expozine, qui a lieu chaque automne à Montréal depuis maintenant dix ans, en est une belle démonstration. Le RCAAQ ajoutera une brique à cette construction (2-22 oblige !), soit une Foire internationale du livre d’art, prévue pour le printemps 2014. En attendant, Formats vous espère et vous attend.
JD : Depuis la fermeture de la librairie Olivieri au Musée d’art contemporain, nous n’avons pratiquement plus accès aux publications en art contemporain à Montréal. Pour un milieu si dynamique, c’est une situation particulièrement intolérable. Est-ce essentiellement cette situation de manque qui vous a amené à plonger dans l’aventure de la création d’une librairie spécialisée en art contemporain ?
BG : Il est certain que le retrait de la librairie Olivieri au Musée d’art contemporain a suscité au RCAAQ interrogations et recherches de solution à une situation en effet intolérable et ce, avant même que notre organisme soit invité à participer à l’aventure du 2-22. Mais, notre intention d’ouvrir une librairie en lieu et place d’Olivieri a vraiment pris son envol lorsqu’en avril 2010, nous avons intégré le projet qui s’appelait IMAGO à l’époque et qui est devenu aujourd’hui Art Actuel 2-22. Par ailleurs, le RCAAQ ne se lance pas dans cette aventure commerciale sans avoir développé une expertise et acquis un ensemble de publications. Mené avec vigueur et créativité par Jean Lalonde et Patrick Vézina, d’infatigables et intrépides aventuriers chercheurs de livres d’art, le Service de promotion des publications a cumulé les expériences en la matière. En effet, nous avions déjà créé une librairie en ligne, proposant plus de sept cents ouvrages tant des centres d’artistes que de tout éditeur intéressé. Grâce d’abord aux foires du livre d’art que nous fréquentons, à New York au premier chef depuis quatre ans et à Tokyo l’année dernière, le Service de promotion des publications du RCAAQ est connu et reconnu de nombreux éditeurs au Québec, au Canada et dans le monde. Nous travaillons constamment à acquérir divers ouvrages qui peuvent intéresser nos clientèles; nous développons des liens avec les musées, les centres d’exposition et les universités.
L’ouverture d’une librairie dont il faut espérer qu’elle vive et survive à une époque réputée difficile et aléatoire pour la vente de livres requiert non seulement l’enthousiasme de ses instigateurs, mais également une extrême prudence dans le champ miné de la transaction commerciale ! Le RCAAQ reçoit de l’aide à ce chapitre, notamment des corporations de développement économique et communautaire, tels la CDEC du Plateau Mont-Royal et surtout actuellement de la Société de développement économique de Ville-Marie. Grâce à elles, le RCAAQ est accompagné, soutenu et conseillé, en tant qu’organisme d’économie sociale désireux de développer son autonomie financière.
BG : Au moment où paraît cette édition de Ciel variable, nous devrions avoir atteint les deux mille titres et une grande variété d’ouvrages. Votre liste donne un bon exemple de sa diversité future : tout livre sur l’art actuel, théorique, strictement visuel ou expérimental, pourra prendre place sur les rayons de Formats. L’inventaire sera spécialisé en art actuel, puisque c’est dans ce domaine qu’œuvre le RCAAQ. Éventuellement, nous comptons tenir des publications relatives à diverses disciplines artistiques tels les arts médiatiques, la danse contemporaine, le théâtre, la musique actuelle, le cinéma d’auteur, etc. Nous visons le public francophone et anglophone de Montréal. Il y aura des livres publiés dans d’autres langues, ceux basés principalement sur les images (photographie, dessin). Grâce aux partenariats que nous avons établis au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Asie, une sélection de livres en langues étrangères seront également disponibles sur commande. Nous avons développé des relations avec plusieurs éditeurs et distributeurs internationaux. Nous avons signé des ententes avec des distributeurs européens, américains et japonais ! Et bien entendu, nous avons des comptes ouverts chez les distributeurs québécois. La liste de nos fournisseurs s’allongera après l’ouverture de la librairie puisque nous désirons nous tenir à jour et augmenter continuellement la quantité et la qualité des publications que nous offrirons.
JD : Entendez-vous aussi refléter la diversité et la multiplicité des revues et magazines qui se publient actuellement dans tous les coins de la planète et ainsi nous mettre en contact avec l’actualité des diverses scènes artistiques ? Pourrons-nous trouver chez vous les publications d’éditeurs spécialisés en photographie, tels les Nazraeli Press, KesselsKramer ou Aperture pour n’en mentionner que quelques-uns ?
BG : Les revues spécialisées en art contemporain sont un type de publication qu’on ne peut négliger et nous prévoyons en tenir une grande variété. Des ententes avec plusieurs distributeurs sont en place ou déjà engagées. Nous tiendrons la majorité des revues culturelles publiées au Québec et au Canada, ainsi que les revues de pointe comme Aperture, et pour en nommer d’autres, nous avons déjà des liens privilégiés avec plusieurs magazines canadiens comme Fillip, Pyramid Power et Hunter & Cook. À l’étranger nous avons entre autres Fukt (Allemagne), Volume (Pays-Bas), Butt (Pays-Bas), Gagarin (Belgique), Open Cahier on Art and the Public Domain (Pays-Bas), Veneer (États-Unis), Mousse Contemporary Art Magazine (Italie). L’ajout de magazines culturels se fera continuellement et nous travaillons déjà avec nos clients afin d’offrir la plus grande diversité possible. Nous sommes ouverts à toutes les suggestions !
Les livres de photographies relatifs à des pratiques actuelles occuperont également une place d’importance à Formats. Nos bonnes ententes avec des distributeurs de partout dans le monde nous permettront de tenir en inventaire des livres qu’on ne trouve habituellement pas en librairie, tels les Nazraeli et KesselsKramer.
JD : Quels seront vos publics cibles, outre le milieu spécialisé ? Quels sont les efforts qui seront faits pour élargir le public de l’art contemporain ? Offrirez-vous par exemple des publications à grande distribution, mais de qualité, telles celles de Phaidon ? Chercherez-vous à rejoindre le public plus spécialisé de collectionneurs de tirages limités ou de publications de luxe ?
BG : Formats est un nouveau commerce qui doit se constituer une clientèle. Et elle ne sortira pas de sous les pierres par une quelconque grâce divine… Nous serons donc modestes dans nos premiers objectifs en souhaitant que les artistes, les chercheurs, les enseignants et les étudiants en art, de Montréal et d’ailleurs mettent un (premier) pied chez nous ! À moyen terme, nous espérons obtenir le statut de librairie agréée spécialisée, pour offrir nos services aux médiathèques et aux bibliothèques publiques et universitaires. Par la suite et si tout va bien, les activités tenues à Formats devraient nous permettre de rejoindre un plus vaste public. La librairie pourrait alors devenir une « ambassadrice des possibles » en matière de livres d’art et d’art actuel. Notre situation au cœur du Quartier des spectacles pourra également nous faire connaître d’un public élargi ; et bien sûr, nous entendons pour ce faire profiter de l’achalandage de Vox, d’Artexte, de CIBL, de la Vitrine, et pourquoi pas de la clientèle du restaurant qui se trouve au rez-de-chaussée ? Nous comptons tenir des ouvrages sur l’actualité artistique de Montréal, du Québec et d’ailleurs dans le monde – les expositions les plus courues à New York ou à Paris font parfois des vagues jusqu’à nous. Bien entendu, notre clientèle trouvera chez nous des ouvrages des éditions Phaidon ou Taschen ; ces livres font partie de l’écosystème du livre sur l’art. D’autres ouvrages moins couramment disponibles en librairie mais tout aussi nécessaires seront offerts : les Éditions de Minuit, les Presses du réel, mit Press, JRP Ringier, Printed Matter pour n’en nommer que quelques-uns. Ce qui fera notre renommée, par contre, ce sera la variété de notre inventaire, de manière à offrir plusieurs ouvrages sur un artiste précis ainsi que la possibilité pour les clients de bénéficier d’une équipe de libraires qui se feront un plaisir de commander des titres particuliers ou difficiles à obtenir. Nous tiendrons également des livres d’artistes, des éditions limitées (dites editions, en anglais), là où le livre devient une œuvre d’art, autre réalité qui fait partie de l’écosystème du livre sur l’art. Nous aurons une grande variété de publications indépendantes et de fanzines. Parmi nos autres publics cibles, nous entendons desservir la communauté queer, dont les publications sont souvent distribuées de pair avec celles touchant l’art actuel.
JD : Envisagez-vous qu’une telle aventure soit viable (minimalement rentable) dans le contexte québécois, même en prenant en compte la réouverture possible d’une succursale de la librairie Olivieri dans le Quartier des spectacles ?
BG : Dans le seul secteur compris entre la rue Berri et la rue de Bleury, il existe au moins cinq librairies de tailles diverses dont on peut penser que ce sont des concurrentes. Nous voulons présenter Formats comme un complément à ce que ces derniers offrent. Même si l’une d’entre elles vient de fermer (Guérin, rue Sainte-Catherine), sans que nous en connaissions les raisons, nous n’oublions pas que nous sommes situés au cœur du Quartier latin et donc près d’une des clientèles les plus susceptibles de nous fréquenter. Nous ferons tout ce qu’il faut pour la rejoindre. Par ailleurs, nous avons expérimenté à plusieurs reprises la tenue de mini-librairies en étalant nos tables de vente lors de divers événements : les Ateliers Portes Ouvertes (APO), Expozine entre autres. Nous avions mis en place une véritable librairie (avec étagères, comptoir, fauteuils de lecture, etc.) lors de la Conférence Res Artis 2010 : elle a produit des ventes records !
Formats se trouve également sur Internet (librairieformats.org), ce qui nous permet de rejoindre une clientèle internationale. Cette vitrine Web contribuera certainement à notre viabilité financière.
JD : Quel constat faites-vous par ailleurs du niveau de l’édition en art contemporain au Québec et au Canada actuellement ? Avez-vous l’ambition de stimuler le cours de l’édition en exposant le public d’ici à ce qui se fait ailleurs ?
BG : C’est une vaste question qui peut appeler une aussi vaste réponse, et nous sommes peut-être à l’étroit pour y arriver aujourd’hui. Mais retenons que la quantité et la qualité de ce qui est publié sont surprenantes compte tenu des différentes contraintes que sont (dans notre beau pays…) le financement, le temps, le personnel et les possibilités de diffusion.Le Québec et le Canada sont bien servis par la littérature et les écrivains sur l’art. Les éditeurs indépendants font preuve de créativité et de dynamisme. Expozine, qui a lieu chaque automne à Montréal depuis maintenant dix ans, en est une belle démonstration. Le RCAAQ ajoutera une brique à cette construction (2-22 oblige !), soit une Foire internationale du livre d’art, prévue pour le printemps 2014. En attendant, Formats vous espère et vous attend.
Jacques Doyon est rédacteur en chef et directeur de la revue Ciel variable depuis 2000.