Rendre visible

[Hiver 2018]

Par Jacques Doyon

Le dossier de ce numéro propose trois œuvres relevant d’univers et de temporalités très diversifiés, toutes marquées par la notion de visibilité publique. Ensemble, elles couvrent un vaste spectre de ce qui définit l’espace public voué à l’énonciation artistique, allant de l’espace civique et urbain très concret où les œuvres se voient mises à l’épreuve du quotidien des gens et des contraintes de la planification urbaine, en passant par le réseau plus spécialisé, professionnel et mondain, qui accueille et nourrit les expérimentations et les nouvelles créations, jusqu’au contexte culturel et politique, plus large, qui circonscrit ce qui peut se dire dans une société.

Avec un corpus qui inclut jusqu’à maintenant quelque 350 photographies d’œuvres d’art public majoritairement contemporaines, mais également de monuments commémoratifs et de graffitis, Justin Wonnacott a constitué une sorte d’essai visuel traitant de la multiplicité et de la diversité des interventions artistiques dans l’espace urbain de la région d’Ottawa. Ses images ne cherchent pas tant à produire une documentation objective ou esthétique des œuvres qu’à montrer leur contexte d’insertion et la façon dont les gens interagissent avec elles, en révélant parfois les incongruités qui résultent de leur emplacement et de leur fréquentation.

À son arrivée à Montréal, Gabor Szilasi a amorcé la production d’une série d’images documentant les vernissages de la scène artistique montréalaise, une pratique qu’il a maintenue tout au long des années 1960 et 1970. Ces photographies peu connues, qui font présentement l’objet d’une exposition au Musée McCord, permettent un retour sur les acteurs et les institutions qui ont participé à la modernisation des arts visuels durant cette période. Plus que des œuvres, elles témoignent de la constitution d’un milieu – de créateurs et d’amateurs tout à la fois – ouvert aux nouvelles esthétiques et contribuant activement au renouvellement de la culture québécoise. Ces images témoignent également du rôle que Gabor Szilasi a toujours su jouer comme révélateur de notre culture.

Les images de l’exposition Iran, année 38, présentée aux Rencontres d’Arles à l’été 2017, rendent compte de la production photographique iranienne depuis l’arrivée au pouvoir de Khomeini, il y a 38 ans, jusqu’à aujourd’hui. Depuis les images de nature plus politique et documentaire, qui montrent la censure et les luttes de l’opposition, jusqu’aux images plus poétiques, souvent teintées d’ironie, qui abordent les difficultés et les joies d’une société devenue progressivement plus tolérante, l’exposition permet de ne pas oublier la part du politique et du religieux dans la constitution d’une scène d’expression libre. Avec quelque deux cents images provenant de soixante-six photographes, l’exposition offre un remarquable panorama de la culture photographique et des réalités de l’Iran contemporain.

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