Éditorial

[Hiver 1990]

par Lyne Crevier
Pour le comité de production et jury

La photographie n’existe pas : c’est le regard qui la réveille. Ce qui compte davantage que l’anecdote — étonnante ou grave, ou triste, ou joyeuse — c’est l’effet visuel qui la valorise par la fluidité des lignes, l’harmonie des volumes.

Peut-on réduire l’art photographique à une musique visuelle, à une flatterie pour l’oeil ? Question épineuse, que d’aucuns approuvent en se bornant à l’esthétique dans la composition de leurs images, en jouant de la réalité par paires : ombre et lumière, apparence et essence…

D’autres vont plutôt s’attacher à quelque fragment du monde visible en dénichant, à la faveur d’une image, plus que ce qu’ils y ont mis au départ : analogie, métaphore, symbolisme. Émile Zola ne disait-il pas déjà en 1901 : « On ne peut prétendre réellement avoir vu quelque chose avant de l’avoir photographié. »

Et Ciel Variable en a vu récemment des images ! Dès l’instant où le magazine lançait le Concours Belle Gueule, amateurs et professionnels lui ont expédié pas moins de 107 portfolios ! C’est donc signe que CV stimule l’imagination des faiseurs d’images d’ici. C’est également une marque de grande confiance de leur part. On les en remercie vivement.

Le comité de production de CV devait arrêter son choix parmi des images noir et blanc inédites, sublimes ou nébuleuses, percutantes ou confuses, de type journalistique, pamphlétaire, narratif, conceptuel. Sous son regard impitoyable, ces photos ont emprunté soit la route du paradis, les oui (celles qui passaient le test), soit celle du purgatoire, les peut-être, ou de l’enfer, les non.

N’allez pas croire que le comité a dû palabrer pour rendre son verdict, trois prix, autant de mentions spéciales et un coup de coeur. Le consensus s’est fait plutôt rapidement, sans acrimonie.

Dans ce numéro spécial, CV les dévoile donc, en tout ou en partie, en essayant d’être le plus équitable possible envers les auteurs de portfolios. À votre tour maintenant de faire exister leurs oeuvres, par votre regard hautement subjectif.