[Été 2022]
Par Michel Hardy-Vallée
[Extrait]
Lorsqu’on cherche à mieux comprendre l’histoire de la photographie au Québec, on bute inévitablement sur trois lieux communs. Le premier est l’absence : mais où est-il donc ce livre de référence que tout le monde attend et que personne n’a encore écrit ? Il y a pourtant des ouvrages sur l’histoire au Québec des jardins, des épidémies, des bibliothécaires, du karaté, des effets spéciaux, de la télévision ou de l’urologie, pour ne nommer que ceux-ci. On étouffe un « eurêka » en relisant attentivement le titre des histoires de la photographie à Québec, ou des histoires en photographie du Québec.
« Mais il y a Michel Lessard… » est le second. Sur les tablettes de la bibliothèque des arts de l’UQAM, un volume intitulé Histoire de la photographie au Québec, en trois exemplaires (si j’étais un clerc médiéval, j’eusse été ébloui d’une telle abondance de copies)1. On y trouve un florilège de textes sur une variété de sujets photographiques à différentes époques au Québec. Il existe donc bel et bien un tel champ du savoir, mais la synthèse nous fait encore défaut2.
C’est ainsi qu’on aboutit au troisième et dernier lieu commun. Poursuivant les recherches, on est rapidement submergé par l’abondance d’écrits : il y a tant de matière dans les magazines et les journaux, les revues et ouvrages savants, les catalogues d’exposition, voire la télévision et le cinéma, que le problème semble à nouveau incommensurable, et on espère vraiment que quelqu’un d’autre fera le ménage dans tout ça pour nous… Et puis, quelqu’un nous dira sûrement que c’est passé de mode d’écrire une histoire de la photographie.
Alors pourquoi ailleurs trouve-t-on tant d’histoires générales et nationales du livre photographique ? D’où vient ce besoin de comprendre le photobook de manière historique3?
Parce que je crois qu’écrire l’histoire de la photographie au Québec est de l’ordre du comment plutôt que du est-ce que, j’aimerais proposer ici une réflexion sur les dimensions importantes du problème. Disons le cahier de charge d’un éventuel appel d’offres, pour faire une métaphore bureaucratique, mais aussi parce que l’histoire est un bien public, substantivement et qualitativement parlant.
2 Si cette remarque demeure contemporaine, on en attribuera néanmoins la source à Raymond Corriveau, « L’histoire de la photographie : le parcours obligatoire de la méthode » (mémoire de maîtrise, Université McGill, 1982), p. 146.
3 Peter Pfrunder et Martin Gasser (dir.), Swiss Photobooks from 1927 to the Present: A Different History of Photography, Baden, Müller, 2012 ; Horacio Fernández, The Latin American Photobook, New York, Aperture, 2011; Frits Gierstberg et Rik Suermondt, The Dutch Photobook: A Thematic Selection from 1945 Onwards, New York, Aperture, 2012 ; Ryuichi Kaneko et coll., Japanese Photobooks of the 1960s and ’70s, New York, Aperture, 2009; Mikhail Karasik et Manfred Heiting, The Soviet Photobook 1920– 1941, Göttingen, Steidl, 2015; Martin Parr et Gerry Badger, The Photobook: A History, 3 vol., New York, Phaidon, 2004–2014.
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 120 – FIGURES D’AFFIRMATION ]
[ L’article complet et plus d’images, en version numérique, sont disponibles ici : Prospectus pour une histoire à venir de la photographie québécoise — Michel Hardy-Vallée ]