Michael Torosian, Noble impression – Michel Hardy-Vallée

[Hiver 2025]

Noble impression
par Michel Hardy-Vallée

L’exposition rétrospective Printer Savant: Lumiere Press and the Art of the Photo Book1 mettait en relief le travail de l’artisan du livre canadien Michael Torosian, dont la maison d’édition Lumiere Press a produit certains des livres les plus méticuleusement imprimés de grands photographes. Pour les publications de Dorothea Lange, Paul Strand, Gordon Parks, Edward Burtynsky et de nombreux autres, Torosian a réalisé à la main des volumes en édition limitée en faisant appel aux matériaux les plus soignés, aux meilleures reproductions et à de l’équipement traditionnel. La Greenberg Gallery collabore avec lui depuis maintenant plus de trente-cinq ans, et la rétrospective qu’elle présentait donnait l’occasion de voir des épreuves originales aux côtés de leur version imprimée et d’en découvrir plus quant à sa pratique. L’événement était le dernier d’une série d’honneurs qui lui ont été rendus, notamment avec l’attribution par la Société Alcuin d’un prix pour l’ensemble de sa carrière dans les arts du livre et des acquisitions majeures par des bibliothèques universitaires, la Bodleian à Oxford et la Thomas Fisher à Toronto, par exemple.

Torosian est issu d’une famille pour qui l’autonomie est la grande priorité. La modernité et le progrès ont appauvri nombre de gens au cours du 20e siècle, et la connaissance du travail manuel a souvent été la meilleure police d’assurance contre la catastrophe. La ceinture porte-outils n’a pas de secrets pour Torosian, mais c’est dans la fabrication de livres qu’il a investi son énergie. Avant d’étudier à l’Institut polytechnique Ryerson (aujourd’hui l’Université métropolitaine de Toronto), il était photographe autodidacte. Son travail de rue des années 1970 rappelle grandement celui de Dave Heath, et il a réalisé une bonne série de portraits en studio de personnalités canadiennes de la scène artistique, comme Joyce Wieland et Ralph Greenhill. L’une de ses premières publications a été le portfolio Signature 3 pour l’Office national du film. S’il a connu une carrière de photographe portraitiste, c’est en fondant Lumiere Press qu’il a gagné ses lettres de noblesse. Ses ouvrages s’inscrivent dans une culture de l’imprimé qui va au-delà du seul livre photo, culture à laquelle, pour moi, plus de photographes devraient prêter attention.

Traduit par Frédéric Dupuy

[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 128 – DÉPAYSEMENT ]
[ L’article complet en version numérique est disponible ici : Michael Torosian, Noble impression – Michel Hardy-Vallée]


Michel Hardy-Vallée est historien de la photographie, commissaire indépendant et chercheur invité au Gail and Stephen A. Jarislowsky Institute for Studies in Canadian Art de l’Université Concordia. Ses recherches portent sur le livre de photographie, la narration visuelle, les pratiques interdisciplinaires ainsi que sur les archives, dans les contextes québécois et canadiens. Il travaille actuellement à une monographie de John Max.


Notes

  1. 1 Howard Greenberg Gallery, New York, 20 juin – 23 août 2024.