[Été 2025]
Captifs d’un système
Une entrevue d’Éric Desmarais par Jean Gagnon
[EXTRAIT]
En botanique, « sporobole » désigne une plante herbacée tolérante à la sécheresse et dotée de poils longs et denses. En art, c’est à Sherbrooke que le mot renvoie, là où œuvre le centre d’artistes Sporobole. Enraciné dans sa ville et sa région depuis plus de 50 ans, jadis sous les noms de Regroupement des artistes des Cantons-de-l’Est (RACE) et d’Horace, Sporobole s’affiche comme une référence en matière numérique. Au moment où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce dans la création, il nous est apparu judicieux de connaître son positionnement à cet égard. Dans l’entretien publié dans le no 128 de Ciel variable, le directeur général du centre d’artistes, Éric Desmarais, répondait en affichant un pragmatisme assumé et porté vers l’action. Il y expliquait comment Sporobole, depuis sa récente restructuration sous ce nom, milite pour que le milieu culturel se familiarise avec la réalité numérique. Il évoquait également l’importance du rôle que l’art et les artistes ont à jouer dans la perspective d’une présence de plus en plus accrue de l’IA. Voici la suite de l’échange où il aborde avec plus d’insistance des enjeux tels que les droits d’auteur ou l’indispensable financement public des organismes culturels destiné à les aider à s’adapter encore et toujours aux bouleversements technologiques.
jean gagnon : Notre première entrevue soulevait avec grand intérêt tant de questions que nous devions poursuivre la discussion. On se plaint beaucoup de la difficulté à diffuser les œuvres de nos artistes sur les grandes plateformes. La « découvrabilité » des contenus québécois ou francophones en préoccupe plusieurs. Comment Sporobole se situe-t-il par rapport à ce problème ?
éric desmarais : La découvrabilité est une problématique se situant au-delà de nous ou de nos organisations prises individuellement. Nous sommes captifs d’un système où le pouvoir appartient à des entreprises privées étrangères contrôlant un secteur essentiel et névralgique de la souveraineté des sociétés : la communication. Elles maîtrisent l’ensemble des outils de communications et décident des priorités et des modalités de partage, d’accès et de monétisation des contenus culturels dans le monde. Nos gouvernements n’ont compris ni l’ampleur de la révolution qui allait s’opérer ni réagi avec la conviction et les investissements qui auraient été nécessaires pour contrer cet impérialisme tout puissant.
[…]
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 129 – D’UN CONTINENT À L’AUTRE ]
[ L’article complet en version numérique est disponible ici : Éric Desmarais, Captifs d’un système]
Jean Gagnon est commissaire d’exposition et critique d’art indépendant, après avoir été conservateur au Musée des beaux-arts du Canada, directeur de la fondation Daniel Langlois et directeur des collections de la Cinémathèque québécoise. Auteur de Vidéocaméléon, un ouvrage consacré à l’art vidéo au Québec de 1972 à 1992, il termine un livre sur le langage et le rythme chez Michael Snow.