[Automne 2025]
Éditorial
par Jacques Doyon
Le monde végétal est ici l’objet d’une investigation attentive. Fleurs et plantes de jardins, de terrains et de territoires alentour sont scrutées, étudiées, enregistrées, quelquefois manipulées, pour tenter de saisir le microcosme de vie qu’elles abritent. Fruits, fleurs, feuilles et branches, mais aussi insectes, champignons, oiseaux… servent de toile de fond à une projection de nos inquiétudes quant à notre relation à l’environnement. Avec des éléments qui rendent palpable la démarche active à la base de l’observation, des manipulations, de la prise de vue de ces images, chacune des œuvres rassemblées ici transmet également l’idée d’une quête, d’une éthique, visant à transfigurer le réel.
Avec ses détails de feuillages, de fleurs, de fruits entremêlés sur fond de nuit noire et rabattus sur l’avant-plan de l’image, Sara Angelucci nous plonge en plein cœur d’un jardin, l’œil à hauteur des plantes. Comme si nous l’accompagnions dans sa cueillette active d’images aux compositions vibrantes, aux antipodes de la nature morte. Car il s’agit bien ici de renouer avec la vie – après une période de deuil – et de se réinvestir dans une relation au monde tout aussi esthétique et sensorielle que fondée sur un intérêt pour la botanique et l’écologie, ainsi que pour les enjeux territoriaux et sociétaux qu’elles recouvrent. La magnificence de ses images nous invite à prêter une plus grande attention à ce couvert végétal trop souvent tenu pour acquis alors qu’il constitue une des assises de notre monde.
Poids, plumes, de Sara A.Tremblay, est un ensemble composite qui réunit des extraits de différents travaux, une sorte d’œuvre bilan, reposant d’abord sur une remise en question, suivie d’une période de flottement, puis d’une crise, enfin d’une mutation. L’œuvre est pour une part autobiographique, mais aussi performative, avec le corps comme mesure de toutes choses. Elle se présente telle une grande mosaïque d’images captées au fil des saisons (de fleurs et de plantes, vivantes ou cueillies, de petits rituels performatifs dans le jardin, de miniinstallations qui peuvent être de menus autels d’offrandes, de portraits…) accompagnées d’objets tirés de la nature (pierres, bois, fleurs séchées). L’œuvre débute sur un délestage (de poids qui pèsent), puis elle s’incarne en différentes étapes au sein d’un jardin-laboratoire, toile de fond des tâtonnements de la recherche et de la vie, des crises (séparation, maladie), de la régénération.
Chez Frédéric Lavoie, l’univers végétal est plus englobant : pas tant jardin clos qu’écosystème où foisonnent une faune et une flore diversifiées (insectes, rapaces, papillons, champignons et multiples plantes). Et c’est en véritable naturaliste amateur (tour à tour entomologiste, mycologue, etc.) qu’il s’investit dans l’observation de ces différentes espèces, en s’attachant à en constituer de véritables inventaires visuels. Réunies dans une exposition récente, ces séries de travaux se déclinent sur deux modes : des projections qui recréent un peu de ces moments de lente observation permettant de percevoir la vie en œuvre ; et des inventaires ou carnets de notes qui cumulent un grand nombre d’images et qui s’inscrivent un peu en filiation des pages de l’herbier de Marie-Victorin, elles aussi convoquées dans l’exposition.
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 130 – PLANTES ET JARDINS ]
[ L’article complet en version numérique est disponible ici : ÉDITORIAL: À L’ÉCOUTE DU VIVANT]