Préface : J’accroche mes patins – Pierre Crépô

[Printemps 1992]


par Pierre Crépô

Le présent numéro constitue mon dernier en tant que directeur de la revue et président du Conseil d’administration des Productions Ciel variable.

Après quatre ans de travail, de sueurs, de joies et de complicité avec l’équipe de CIEL VARIABLE, il est temps d’aller voir ailleurs si j’y suis. Je quitte avec la conviction que CIEL VARIABLE persistera, en mieux j’en suis sûr, à être le seul magazine québécois de photographie d’auteur

Un magazine ressemble un peu à sa directrice ou à son directeur dans le sens où cette personne a ses goûts et préférences tout en respectant le mandat du périodique. Le prochain numéro, ayant pour thème Les Amériques (n° 20), amorcera la troisième époque de CV sous la direction de Marcel Blouin, déjà très engagé dans le milieu de la photographie.

Je voudrais d’abord rendre hommage à celles et à ceux qui, contre vents et marées, ont décidé de s’embarquer dans l’aventure de l’édition sans argent, avec plus ou moins l’expérience du métier mais avec le cœur gros comme un paquebot. Animés de la foi des pionniers, elles et ils ont réussi à tenir le fort ouvert et, au travers de formats et de maquettes variables, à imposer un premier contenu rédactionnel faisant appel à plusieurs jeunes photographes et auteurs. Ce fut la belle époque où le magazine se faisait sans domicile fixe, dans des cuisines, avec des budgets disons aléatoires. La fréquence des parutions s’apparentait à son nom. Ce qui n’a pas empêché publication des quatre premiers numéros ; ce qui n’a pas empêché non plus d’imprimer à la revue une orientation critique face aux thèmes traités. En somme, de donner un sens à la photographie publiée à une époque où l’esthétique nombriliste sévissait.

Puis, ce fut le changement de format — celui que l’on connait maintenant — avec la publication du n° 5 sur le pouvoir. C’est à ce moment que je suis entré dans le décor pour donner un coup de main à l’équipe, mais c’est tout le corps qui y est resté coincé pendant quatre ans ! J’ai aimé tout de suite l’esprit d’ouverture et l’amour du travail bien fait qui s’y trouvaient et c’était une bouffée d’air frais loin des chapelles sclérosées et de l’individualisme galopant.

En 1988-1989, parallèlement à la mise sur pied d’une structure de gestion, la publication de trois numéros par année allait bon train et CIEL VARIABLE rejoignait sans cesse de nouveaux photographes et lecteurs. Puis la fréquence des parutions annuelles augmenta à quatre, ce qui veut dire que le prochain numéro vient vite.

Il est impossible de faire fonctionner une revue sans équipe. Les différents « complices » — tous bénévoles au demeurant — qui s’y sont succédés ont fait ce que CV est maintenant et ont permis au magazine de recevoir, en 1990 et 1992, le Grand prix d’excellence des revues culturelles québécoises ainsi que le Prix des éditeurs et éditrices. Du n° 5 à celui-ci, CIEL VARIABLE a publié les œuvres de plus de cent cinquante photographes différents et les textes d’une centaine d’auteurs. Ça commence à faire du monde à la messe ! Dans un sens, le magazine appartient aux photographes et se doit de refléter leur travail, car ce n’est pas une sinécure de trouver des débouchés, spécialement au Québec, pour diffuser de la photographie d’auteur.

Sur ce, longue vie à CIEL VARIABLE et la meilleure des chances à la nouvelle équipe.