[Automne 1989]
par Yves Boisvert
Inaccouplé, le terrible photographe extirpe des cinématiques populaires, les espaces vierges de son cheminement d’aberration, d’inconvenance et de dérision. Le réflexe tardif est l’apanage des crétins.
L’instantané exige un athlétisme où les nerfs remplacent les muscles. Le musclé ne va pas au-delà de l’événement.
Le photographe terrible déçoit les spectateurs en instance d’accouplement : il imprime sur les murs une déception généralisée, généralisante et en générique. Il est un instrumentaliste et ne s’encombre pas du devoir de pérennité grâce auquel l’histoire engrange les bons livres et brûle les mauvais. Il crée par passion de l’efficacité immédiate. Aussitôt son méfait accompli, il se retire sans jamais promettre d’y donner suite d’une quelconque façon. C’est quand le monde est à son pire qu’il est à son meilleur. Si ça bouge, il peut toujours réduire son temps de pose ; mais il peut également trouver dans son extension la joie d’une adaptation temporaire aux conditions qu’il exploite.
Fin du délibéré. Chute du rideau. Il faut en finir.
Remise au vierge immédiat de la pellicule interne en fonction de la virginité nouvelle de la grande pellicule éphémère. Il est terrible parce que, débordant de toute part, rien ne saurait le décourager.
Dans un monde grossier, l’instantanéité-photo joue le rôle de fonction phatique : on tient la parole en haleine sans jamais parler.
Ce que les siècles annonçaient, il ne le vérifie pas. Il ne le confirme pas. L’émancipation universelle ne le concerne pas. Il bloque là-dessus. Il est beaucoup trop instruit pour être bien éduqué. Appuyer sur des pressoirs de caméras jamais n’empêchera de prendre l’autobus au coin de la rue ou de sortir la mitraillette si ce dernier démarre. L’inaccessible n’est pas mort mais il comporte un certain danger.
Une photo peut tuer.
Son auteur.