[Automne 1995]
Galerie Stornaway
On pourrait définir les photographies de Xavier Nuez, présentées à la galerie Stornaway, comme un amalgame de morbide, d’ironique, de kitsch et de séduisant. Une combinaison éclatée qui, faut-il le dire, ne laisse pas indifférent.
Au mur, une dizaine de cibachromes aux couleurs criardes nous renvoient l’image de cadavres d’insectes gisant dans des loft en rénovation. Montées sur des supports en faux-fini, ces petites créatures prénommées Sophia, Charmaine, Kassandra ou Giorgio in Silk sont exhibées à la manière de photos de pin up épinglées sur les murs. À l’aide dc filtres, la couleur des bestioles a été truquée afin de les rendre plus attrayantes. Burial Grounds porte en fait un commentaire sarcastique sur le rôle de la séduction. Le contenu des photographies, qui s’apparenterait au genre de la nature morte, pointe le domaine des apparences, de la vanité, de l’artifice et bien sûr de l’éphémère. La beauté des corps perçue comme valeur obscure et insidieuse, possédant pour seule réalité la décrépitude et la mort éventuelles.
L’intérêt de la production de cet artiste réside d’une part dans le traitement macroscopique (et esthétique) d’un univers sous-terrain qui nous pose en voyeur en présence de celui-ci, comme vis-à-vis le monde du glamour. D’autre part, et c’est peut-être là sa meilleure part d’originalité, le choix des cadavres d’insectes comme prétexte au sexuel et à l’éphémère peut être interprété comme métaphore de nos « bibittes » personnelles, ou mieux, comme allusion aux micro-organismes qui attaquent le corps, particulièrement ceux reliés au sexe. La transposition de l’humour au lugubre, sans tomber inutilement dans l’excessif, demeure ici efficace. Le sac de polythène qui recouvre chacune des œuvres, en guise de sarcophage ou de matériau de «protection», reste toutefois douteux.
Dans son exposition précédente, Xavier Nuez mettait en vedette le monde bigarré des travestis. Décidément, cet artiste a un faible pour la faune, quelle qu’elle soit.