par Yvonne America Truque
Lorsque nous arrivons dans un nouveau pays, nous rencontrons d’importants problèmes de communication. On note tout de suite une tendance à se diviser et à se séparer selon l’origine ou la langue parlée, aussi, les nouveaux arrivants ont-ils tendance à se concentrer dans certains secteurs de la ville.
Mais quand je pense à l’expression «quartiers ethniques», immédiatement me viennent en tête les termes ghetto, entassement, séparation, division. Parce que nous avons dû abandonner pour longtemps ou pour toujours notre pays d’origine, un sentiment de solitude et de vide nous oblige à nous lier spontanément avec ceux qui parlent notre langue maternelle. Étant désormais situés dans un microcosme à l’intérieur du monde, vient la facilité de vivre une vie marginale sans avoir à tenir compte du contexte socio-culturel du pays qui nous accueille. Pouvant travailler en communiquant dans notre langue maternelle, pouvant vivre et reproduire à petite échelle ce que serait la vie dans nos pays, on rejette la langue et la culture du pays d’accueil : comme elles ne nous sont pas nécessaires, elles cessent d’être importantes.
Peut-on comprendre une telle situation sans l’avoir vécue? Y a-t-il vraiment division et séparation?
Si l’intégration doit passer par un apprentissage de la langue, des normes et comportements sociaux du pays d’accueil, cet apprentissage est enrichissant tant pour l’esprit que pour les connaissances, sans que pour cela nous devions nous dépouiller de notre bagage ancestral. Au lieu de souligner les différences, pourquoi ne pas rechercher les affinités, les points communs qui pourraient s’harmoniser dans la convivialité?
L’expression «quartiers ethniques» me donne des frissons; dans un tel contexte, il m’est difficile d’imaginer ou de concevoir le futur… Cependant, des centaines de personnes provenant de toutes les parties du monde foulent le sol québécois tous les jours, apportant avec eux un cœur incendié d’illusions et une pleine valise de souvenirs. Les quartiers ethniques d’aujourd’hui seront-ils demain des ghettos?
Quant à moi, je ne me vois pas vivant dans un quartier où tous parleraient espagnol, car les années que j’ai vécues ici m’ont appris à aimer les gens de ce pays, leur langue, leurs chansons, leurs poèmes, les variations de paysages que nous offrent les saisons, et si un jour je retourne dans mon pays, je parlerai avec orgueil de tout ce qu’un petit pays cerné d’une forteresse anglaise, a pu m’enseigner.