De cette broussaille qui nous a attrapés – Yvonne America Truque

[Été 1989]


par Yvonne America Truque

Je marche
solitaire, à pas perdus
dans les rues embrouillées
de la ville endormie

Je respire
l’air des klaxons et des voitures
les fumées nauséabondes
la puanteur des ordures

D’un vieux bar
j’entends un tango.

Vestibules
abritant enfants, vagabonds et ivrognes
Un homme caché comme un loup affamé
piège le pas de sa proie Quelqu’un vient d’être poignardé!!!
Prostituées
malandrins et seigneurs
tous confondus dans la nuit.
Des feux de signalisation, des rues
des rues, des bruits
des bruits, des bars
des bars, des militaires
!Des balles!!!

Je continue
ma marche silencieuse
piétinant l’asphalte
humide horloge du temps arrêté.

Demain
je lirai les journaux et en première page
en gros caractères je verrai
«ÉLUE LA REINE DU CAFÉ»

Yvonne America Truque
Traduit de l’espagnol par Jean Gauthier • Tiré du livre Projection des silences.

Note : La Colombie est un pays tourmenté par la violence sociale depuis les années 50. Cette situation n’est jamais révélée par les journaux nationaux. Pendant ce temps, les quelques 150 couronnements annuels de reines de beauté comptent sur un grand déploiement publicitaire et une couverture de presse complète