Centre d’exposition de l’Université de Montréal
Du 5 mai au 27 septembre 2015
Par Gabrielle Desgagné-Duclos
Durant tout l’été 2015, le Centre d’exposition de l’Université de Montréal accueillait Alain Laframboise. Le sens du quotidien, une exposition itinérante produite par le Musée d’art contemporain des Laurentides et conceptualisée par l’historien de l’art et commissaire indépendant Karl-Gilbert Murray. En constituant son premier arrêt hors les murs, le Centre offrait, d’une part, au professeur Alain Laframboise l’occasion d’un premier retour à l’Université depuis sa retraite en 2009, de manière à souligner à la communauté universitaire tout l’apport de ce dernier au département d’histoire de l’art, où il a enseigné pendant près de trente ans. D’autre part, il s’agissait aussi pour le Centre de réaliser une relance en ce qui a trait à l’art contemporain, qui – à part lors de la première participation du Centre à la Nuit blanche à Montréal l’hiver dernier1 – n’avait pas fait partie de sa programmation depuis la présentation de la série Conjunctio (1999) d’Irene F. Whittome en 20102.
Malgré l’espace d’exposition réduit par rapport à celui du MACL – où Le sens du quotidien occupait originalement deux salles, alors que le Centre n’en compte qu’une –, le fait que l’ensemble des oeuvres montrées ait dû être légèrement tronqué pour convenir à cette nouvelle superficie paraissait, en bout de ligne, une perte mineure, largement compensée par deux aspects de cette adaptation.
La scénographie, d’abord, qui visait à mettre en valeur, par des éclairages contrastés, les clairs-obscurs des photographies de Laframboise, se trouvait mieux réussie au Centre d’exposition. Alors qu’au MACL le white cube rendait plus malaisé l’atteinte d’une théâtralité suffisante, au Centre d’exposition la couleur charbon des murs et du plancher et le noir du plafond enveloppaient les œuvres. Accentuant ainsi l’esthétique baroque cultivée par l’artiste, cela semblait aussi concorder avec le caractère cultuel de l’ensemble, alimenté surtout par les trois œuvres de l’installation Gold & Rust (1998) que la mise en espace projetait à l’avant-plan.
Ensuite, second aspect, soulignons l’intérêt que représentait pour la contextualisation du travail de Laframboise l’ajout par le Centre d’exposition d’une section portant exclusivement sur ses collages, une production antérieure à la période couverte par cette rétrospective (1983-2014) – soit juste avant que Laframboise n’expose pour la première fois ses boîtes-tableaux à la fameuse Galerie Jolliet. Souhaitant avec cette addition de contenu mettre en valeur la recherche-création au sein de l’Université, le Centre reprenait pour ce faire une exposition conçue par des étudiants de premier cycle et dirigée par la professeure Christine Bernier dans le cadre du cours « Exposition d’art : discours et pratiques ». Se voulant un prélude à la venue de cette rétrospective à l’Université, Construire le sens avait d’abord été présentée à l’hiver, dans une version un peu grande, au Carrefour des arts et des sciences3. Ainsi, cette vingtaine de collages restés étonnamment inédits jusqu’alors devenait pour le Centre prétexte à l’insertion d’un grand texte d’exposition mentionnant le statut de professeur de Laframboise ainsi que les rapports étroits entre ses pratiques parallèles d’historien et théoricien de l’art et d’artiste. Vu l’absence de tout cartel long dans l’exposition du MACL et le fait que le seul autre grand texte soit dédié au point de vue du commissaire – qui aborde l’œuvre complet sous l’angle de l’esthétique du quotidien4 – ce second texte s’avérait bien loin d’être superflu. C’est que tout l’intérêt des collages tenait justement au fait qu’ils constituaient une porte d’entrée conceptuelle vers le travail singulièrement érudit de Laframboise.
Pour ceux qui avaient suivi l’artiste au fil de ses expositions personnelles (le plus souvent chez Graff), comme pour ceux de la jeune génération qui l’y découvraient, Le sens du quotidien se vivait comme une somme, dont la densité et la magnificence étourdissaient et magnétisaient tout à la fois.
2 Il faut dire que la création contemporaine a tout de même sa place au Centre, qui entretient des liens étroits avec les quatre écoles situées dans le pavillon de la Faculté d’aménagement où il se trouve.
3 À la suite d’entrevues avec l’ancien professeur et de la recension critique de son travail, les étudiants ont produit de courts essais, réunis en un catalogue édité par L’ARgoT, la revue des étudiants d’histoire de l’art de l’Université de Montréal.
4 Prenant ainsi peut-être le sens inverse que celui donné par René Payant ou Johanne Lamoureux précédemment, lesquels voyaient plutôt un discours sur l’art et la déconstruction de l’image qui s’étendaient vers le domaine du social et la culture populaire.
Gabrielle Desgagné-Duclos a terminé depuis peu sa maîtrise en histoire de l’art à l’Université de Montréal. Sous la direction de Johanne Lamoureux, elle s’est intéressée au tableau vivant comme dispositif esthétique et à sa réappropriation dans l’art contemporain en tant que stratégie de remédiation opacifiante. Elle s’occupe présentement du pupitre arts visuels du magazine l’Artichaut, revue des arts de l’UQAM, et travaille en tant que chargée de projet.