[Hiver 2017]
La série d’images que Robert Walker a réalisée du quartier Hochelaga-Maisonneuve – son lieu de naissance et actuel lieu de résidence – est particulièrement intéressante à examiner dans le contexte des festivités qui soulignent le 375e anniversaire de Montréal sous l’angle optimiste, et peut-être même un peu lénifiant, de la seule mise en valeur de grandes réalisations dont tous devraient s’enorgueillir. La réalité n’est pas la même pour tout le monde…
Les photos que nous présentons ici – celles de Walker, mais aussi d’autres photographes dont les images de Montréal ont été marquantes – sont au contraire ancrées dans la vie des quartiers et dans ce qui fait le tissu même de la ville. Elles témoignent des conditions de vie des gens, de la splendeur et du déclin des institutions et des entreprises, de l’importance des petits commerces et des services, de la couleur et de l’architecture des rues et des artères commerciales, de l’omniprésence de la publicité et de sa prégnance dans la culture urbaine, des pluralités culturelles et sociales qui, ensemble, composent la richesse d’une ville et sa diversité. Elles témoignent aussi des engagements citoyens qui tissent les liens des communautés et génèrent parfois une résistance face à des développements qui bousculent leur environnement sans égard pour leur mode de vie.
Walker a abordé son quartier avec le regard et le style particuliers qu’il a développés tout au long de sa carrière, un peu comme il a traité New York : avec des superpositions de plans, des rapprochements inusités, de forts contrastes de couleur, un intérêt pour la publicité et les représentations graphiques de même qu’un attachement à la vie de la rue. Hochelaga-Maisonneuve est un quartier au riche passé bourgeois et industriel qui a subi un important déclin jusqu’à devenir une enclave pour les classes populaires et qui se débat aujourd’hui avec les difficultés du redéveloppement et de l’embourgeoisement. Pour Walker, ces lieux sont habités par la mémoire et recèlent leur part de richesse et de complexité.
D’autres photographes ont aussi mis en valeur des dimensions de la vie des quartiers populaires avec des oeuvres qui ont été marquantes. Ainsi, la série de Gabor Szilasi sur les façades de la Sainte-Catherine a-t-elle témoigné du caractère si particulier de l’affichage commercial sur cette artère centrale de la vie montréalaise. Plusieurs photographes se sont également donné pour objectif de simplement témoigner de la vie des gens ordinaires. Le Groupe d’action photographique a représenté un moment important de ce mouvement. Gabor Szilasi en a fait partie, lui qui a tant témoigné de la culture québécoise, mais aussi Michel Campeau, Roger Charbonneau et Claire Beaugrand-Champagne, dont nous montrons ici des images. C’est aussi ce qu’ont fait Clara Gutsche et David Miller au moment de la démolition d’une partie des immeubles de Milton-Parc, en faisant le portrait des habitants et en rendant compte de leur mobilisation et de leur résistance. Plus récemment, c’est cette même fibre d’engagement citoyen dont Patrick Dionne et Miki Gingras ont voulu rendre compte en réalisant, avec les gens engagés dans leurs quartiers, une série de fresques monumentales composant un portrait de différents quartiers de Montréal…
Jacques Doyon
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