[Printemps 1990]

Il ne faut pas chercher dans l’humour un quelconque effet comique, mais bien un état d’esprit permettant d’interpréter la réalité autrement, comme une sorte de jeu. ⎯ Maurice Girard, pataphysicien de Drummonville.

Extrait de Karl MARX
Chers camarades,
« Je voudrais maintenant définir ma position de façon matérialiste historique sur cette épineuse question de l’humour. Il est évident que l’humour, comme tous les registres de l’expression artistique et de l’expression en général, relève de la dialectique. Je suis humoriste comme vous, peuples de la terre, êtes humoristes. car nous savons rire des innombrables contradictions qui nous traversent. par exemple, moi, aujourd’hui, lorsque j’ai été arrêté par la police, plutôt que de résister comme un vulgaire criminel, j’ai tout simplement demandé à un des policiers pourquoi sa moustache était si longue. Alors il m’a répondu, un peu embêté, que son rasoir avait été confisqué par le tsar de Russie. »

Extrait de Salvador Dali (À lire avec l’accent espagnol)
« …D’ailleurs, depuis qu’il n’y a plus de rideaux au théâtre, je ne crois plus à rien. Nous sommes dans une époque paranoïaque, correspondant tout à fait à ma méthode de création paranoïaque-critique. Ainsi, mon approche se situe précisément au centre de l’humour. L’humour pour moi participe de cet espace de non-volonté, essentiel à la création, à travers lequel l’artiste s’abandonne à la formalisation de ses rêves. En fait, l’humour, on s’en fout. L’important demeure cette force libre et imaginaire d’objectivation du désir dans l’écriture artistique de l’être. Arrête le magnétophone, Gala ! Il faut que j’aille pisser. Alors, c’est bien cela que je devais dire, ma chérie ? »

Extrait de Friedrich Nietzsche
« …L’humour est l’oeuvre de Dionysos en personne. C’est l’expression de la liberté totale dans son essence divine, défiant l’être suprême dans sa souveraineté. Il s’agit d’un cirque majeur dans lequel le penseur s’engouffre au cœur de l’enfer, que les artistes tentent de faire exister. Comme le philologue doit être un clown rigoureux de la lettre, le clown doit révéler cet être mystérieux et drôle qui détourne les mots de leur sens pour rendre le geste aussi poétique que les mots insolites. Le monde demeurera toujours une affreuse farce lourde et cruelle, dont dieu s’imagine avoir écrit le scénario. C’est d’ailleurs pourquoi nous l’avons tué. Il s’agit d’un imposteur, d’un minable plagieur sans humour. Ce n’est même pas lui qui a écrit le scénario. Et même s’il l’avait écrit, nous aurions pu le tuer quand même. La raison en est que le créateur, en manque d’inspiration, s’il produit, s’aventure sur le chemin de la condamnation. On dira donc qu’écrire c’est mourir, au mieux, mourir de rire. »

Extrait de lettre de Mitsou (Au journal Écho-Vedettes, spécial humour)
« …Important de faire de l’humour. Si on n’est pas dans l’humour, on ne dure pas dans le monde du show-business. C’est très important d’être drôle, enfin, je veux dire, d’avoir un certain sens de l’humour. les gens veulent rire de nos jours. Moi, je suis pas dans l’humour, mais on est assez drôle pour passer un certain humour. Quand je chante, c’est pas drôle pour autant. Mais mon gérant m’a dit qu’il y avait de l’humour qui passait. On est moderne et dans l’humour par conséquent, je crois. Notre démarche est jeune et à la mode. D’ailleurs, moi, je ne me prends pas au sérieux. Je suis et je demeure moi-même, Mitsou. Je ne joue pas de jeu. Je suis un peu bébé, mais intelligente. Je suis une jeune fille simple. Seuls les conseils les plus importants du réalisateur avec qui je travaille, allant dans le sens de mon image, me font jouer le sens de l’humour que l’émission veut passer. Je suis consciente de ce que je fais. Et mon gérant m’encourage à continuer de mettre cette image en valeur. D’ailleurs, je prends de l’expérience et cela me permet de mieux paraître dans les médias… »

Extrait de Sigmund Freud
« Il s’impose à nous, psychanalystes, de considérer l’humour comme un processus psychique menant à un état d’esprit fondateur de l’équilibre mental. Ajoutons que cet état d’esprit contribue directement à l’émancipation de l’être humain. C’est un état d’esprit que j’investis particulièrement parce qu’il révèle manifestement la réalité sauvage où l’organisme exhibe son combat organique entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. L’humour donne naissance à un discours ambivalent sur le réel. Ce discours porte les traces des moteurs contradictoires investis des pulsions (organisatrices) de vie et (désorganisatrices) de mort. Autrement dit, cet esprit d’humour permet de relativiser les choses, les images, les mots, les événements, les phénomènes. les actes, les situations et même les drames à l’intérieur desquels le sujet doit prendre part comme intervenant réel dans la réalité concrète avec et indépendamment de sa situation psychique particulière. C’est cette possibilité d’accès du sujet à la relativisation du jugement que l’humour renvoie. C’est donc sur cette mise à distance par laquelle le sujet s’éloigne des choses sérieuses que l’humour est fondé. Ce qui n’est pas à négliger au niveau de la psyché. »