Chun Hua Catherine Dong, I Have Been There – New York — Didier Morelli, Y être ou y avoir été

[Automne 2022]

Y être ou y avoir été
Par Didier Morelli

[Extrait]

« Ici, je veux ajouter que ce n’est pas l’architecture qui régit seule de tels degrés de confort ou d’inconfort, mais que c’est aussi le comportement du corps – les mouvements des hommes, des femmes, des Blancs, des Noirs ou de toute personne racisée – dans ces lieux qui crée ce sens profond de l’espace comme invitant ou prohibant1. »

J’y ai été. J’ai visité la plupart de ces endroits en tant que résident de New York ou touriste, la plupart du temps partageant ces symboles avec des foules d’autres gens. Beaucoup de ces lieux sont magnifiques, mais j’en trouve d’autres grotesques, quoique exerçant une étrange attraction. Je repère le cube d’Astor Place en face de Cooper Union, la plaque tournante du transport au World Trade Center, la Unisphere au parc Flushing Meadows-Corona et le taureau de Wall Street. Ensemble, ils trônent parmi les plus grands succès de la Grosse Pomme, véritable excursion guidée de l’architecture, de l’art public et du développement immobilier du 21e siècle. Ils sont aussi une incarnation de la thèse de « classe créative » proposée par Richard Florida, et mon aisance à évoluer parmi eux traduit mon appartenance à cette frange démographique embourgeoisée. Dans I Have Been There – New York (2021), la créatrice montréalaise en arts visuels et de la performance Chun Hua Catherine Dong présente la plus récente mouture d’un projet itinérant. Depuis 2015, l’artiste a réalisé d’innombrables interventions dans des espaces publics en s’étendant nu-pieds sur le sol devant des sites historiques, des attractions touristiques et autres lieux d’importance partout sur la planète. La démarche s’inspire d’une tradition funéraire de la ville d’origine de Dong en Chine, selon laquelle la mort d’aînés déclenche la réalisation d’un linceul de soie destiné à couvrir le corps du parent décédé. Créant son propre drap sous lequel elle se glisse pour chaque intervention, l’artiste explore avec cette œuvre les notions d’appartenance, de diaspora, de deuil et l’acte même d’être en public en tant que femme chinoise. À New York, centre métropolitain encore aux prises avec l’interminable pandémie de COVID-19, Dong a produit une nouvelle série de photographies qui apporte un éclairage neuf, tout en conservant l’aura emblématique et troublante des actions précédentes où son personnage étendu s’insère dans des décors de carte postale…

1 Emily S. Lee, Living Alterities: Phenomenology, Embodiment, and Race, New York, Suny Press, 2014, p.147.

 

[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 121 – DÉAMBULATIONS ]
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