[Automne 2023]
Capturer l’image, saisir l’humain
Edward Pérez-González
[Extrait]
L’idée que la photographie documentaire est un moyen neutre de capturer la réalité est aujourd’hui battue en brèche. Les photographies ne sont pas et n’ont jamais été de simples enregistrements de la réalité, toujours complexe et subjective. Elles sont marquées par les idées préconçues de l’humain derrière l’objectif, ses valeurs, ses sentiments, sa construction sociale. Les choix de cadrage, de mise au point, de traitement et de présentation de l’image sont influencés par les préjugés et les intérêts du photographe. Si l’on part de l’idée que les frontières entre les disciplines sont de plus en plus floues, on pourrait avancer que la nature de la photographie documentaire s’inscrit largement dans un travail de tissage de la réalité et d’expérimentation.
La réalité est-elle inaccessible ? Jorge Luis Borges1 l’affirmait, remettant en question la transparence du langage, et Henri Bergson va dans son sens en parlant de la perception de la réalité :
Je regarde et je crois voir, j’écoute et je crois entendre, je m’étudie et je crois lire dans le fond de mon cœur. Mais ce que je vois et ce que j’entends du monde extérieur, c’est simplement ce que mes sens en extraient pour éclairer ma conduite; ce que je connais de moi-même, c’est ce qui affleure à la surface, ce qui prend part à l’action. Mes sens et ma conscience ne me livrent donc de la réalité qu’une simplification pratique. Dans la vision qu’ils me donnent des choses et de moi-même, les différences inutiles à l’homme sont effacées, les ressemblances utiles à l’homme sont accentuées, des routes me sont tracées à l’avance où mon action s’engagera2…
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 124 – DES IMAGES POUR MIEUX VOIR ]
[ L’article complet et plus d’images, en version numérique, sont disponibles ici : Les vies des documents – La photographie en tant que projet — Edward Pérez-González ]