[Hiver 1990]
Après quelques expériences dans des studios de photographie à New York, elle est maintenant une collaboratrice active de l’Agence Stock Photo de Montréal. Le portfolio que nous vous présentons ici fait partie de la première étape d’un projet plus vaste où écologie et environnement sont à l’honneur.
Elle se dit passionnée par l’humanité et les physionomies humaines. Pour elle, les arts visuels sont le seul moyen d’expression et de communication.
par Michoud Marchand
Et ce n’est pas la gloire non plus de planter des arbres. Même si le voyage en vaut la peine, même si l’aventure vous paraît belle, vous finissez toujours par le faire pour les sous. Un point c’est tout.
Ce sont les grandes compagnies de pulpe et papier qui vous engagent, par l’intermédiaire d’autres compagnies sous-contractantes, chargées de reboiser ce que les premières ont déboisé. Un aune coup de manette de la grande manivelle du progrès.
Il y a de la job pour tout le monde, ici, au B.C.. Il suffit de « débarquer » à Prince-Georges, par exemple, et de s’inscrire. Et c’est ainsi qu’ils viennent de tous les coins du monde : des turcs, des allemands, des chinois, des japonais et pourquoi pas, des québécois. Mais il n’y a pas que la nationalité qui diffère. Il y a aussi les milieux : fonctionnaires, punks, étudiants ou n’importe quoi, ils viennent recréer ici, au fond d’un bois dévasté, une mini-société bizarre, où tout semble de guingois, mais où tout fonctionne pourtant « pour de vrai ».
Le principe est simple. Il s’agit de planter le maximum d’arbres dans le moins de temps possible, avec pour tout horizon la ligne d’arbres dans des paysages de cauchemars. Parce que les Pulp and papers quand elles déboisent, elles déboisent. Sans tenir compte ni de leur besoin, ni de l’érosion, ni de rien que l’argent, faut croire. C’est normal paraît-il. On coupe d’abord, on sélectionne après, on brûle le reste et voilà, c’est comme ça. Tiraillée entre la haine et l’amour, les mains brûlées par les pesticides dont sont enduits les bébés arbres, grugée par les moustiques, rongée par la solitude et par les émotions extrêmes où vous laisse l’épuisement. Assaillie par les blessures de la terre, de la forêt, des travailleurs. L’envers du décor de béton que sont nos villes. La réalité. Voilà ce que Hélène Cyr a photographié.