Préface : La famille en quête de liberté – Simonne Monet-Chartrand

[Automne 1991]


par Simonne Monet-Chartrand

Dans le numéro estival de Ciel Variable portant sur la Nation, Jean-Marie Piotte sous-titrait ainsi son article : « Cette nation québécoise est toujours en changement. Elle devient de plus en plus bariolée, multi-ethnique.»

Il en va ainsi de la famille, cela va de soi. Jetez un coup d’oeil dans la cour d’une école maternelle ou d’une garderie. Vous y verrez des enfants de toutes les couleurs venant de familles de races et d’origines diverses en voie de s’intégrer à leurs nouveaux amis québécois.

La famille québécoise, longtemps homogène, traditionaliste, nationaliste et catholique expérimente depuis plus de trente ans des apprentissages sociaux nouveaux. À la recherche de plus de liberté, les opinions et les comportements des citoyens de tout âge se sont grandement modifiés.

Les deux dernières générations – je suis grand-mère d’un « grand petit fils » de 27 ans et d’une grande fille de 20 ans – envisagent avec audace mais difficulté un remaniement des valeurs, des modes de vie concernant la sexualité, la carrière, la culture et l’action socio-politique. Impossible d’élaborer sur ces questions dans un si bref article. Ni de répondre par un oui ou par un non à la question posée le printemps dernier à l’Université Laval lors d’un forum public: « Avons-nous tué la famille? »

Les difficultés quotidiennes vécues et parfois subies actuellement par des conjoints, couples unis ou séparés, familles monoparentales, reconstituées ou élargies nécessitent un temps de réflexion et exigent parfois de nouvelles attitudes et orientations tant chez les personnes que dans l’ensemble de la société. Les ministères de la Santé, de l’Éducation, du Travail, du Revenu et les autres doivent être attentifs et soucieux de nouvelles réformes pour répondre aux besoins et aux droits de la famille québécoise, où l’homme n’est plus la seule autorité.

Toutefois, je tiens à signaler l’apport essentiel des groupes populaires à l’avancement de la famille québécoise : centres de femmes, associations féministes (Fédération des femmes du Québec, AFEAS) et, particulièrement, le travail persévérant et efficace de la Fédération des unions de familles. En 1957, Michel et moi étions présents au congrès de fondation de cette fédération. Parents de sept enfants, nous avons d’abord été membres des Écoles de parents puis des Unions de familles. J’ai été active au sein de ces groupes parce j’ai toujours été convaincue de la nécessité de se regrouper pour faire évoluer individuellement et collectivement le bien-être des membres d’une famille et de les rendre actifs dans la société.

Actuellement, les femmes exercent des métiers et des professions hors du foyer et recherchent une autonomie financière. Les enfants aussi, tout comme le père, ont droit au chapitre, prenant part aux discussions et aux décisions concernant la famille. Le noyau familial vit sous un « ciel variable ». Il n’en demeure pas moins que c’est à l’intérieur du foyer que se nouent les liens affectifs essentiels à l’équilibre mental et psychologique des personnes tout au long de leurs vies.

Grand-mère de neuf petits enfants, je considère que ce que j’ai réalisé de plus valable, c’est la création et la mise au monde de sept personnes qui, devenues adultes, sont mes meilleurs amis. Les échanges d’opinions et de services, les encouragements à réaliser des projets, la confiance réciproque consolident les liens affectifs. Je tiens à leur transmettre, ainsi qu’au public, par le moyen de la communication verbale, voir même de l’écriture, les expériences heureuses et valorisantes vécues avec ardeur et conviction « en famille », loin de l’opportunisme mercantile, de l’ambition effrénée de pouvoirs égoïstes, au coeur même de la vie.

Toujours à la recherche d’une sérénité et d’une harmonie malgré les nuages et les orages, les membres affectueux d’une famille demeurent compréhensifs, solidaires, en marche vers une « terre des Hommes » où les plaisirs des sens, de l’esprit et du coeur s’harmonisent et créent une joie de vivre, de survivre en route vers le 21e siècle.