par Robert Legendre
Le texte qui suit s’articule autour d’une demande d’appui et de support moral faite par la direction de la revue CVphoto à certains amis des arts, de la photographie plus particulièrement, tout comme à ses collaborateurs. Vous pouvez, vous aussi, en temps que lecteur de la revue, nous faire parvenir un mot d’appui, de support moral. Vos commentaires et critiques de la revue, parlant de notre travail, seront vivement appréciés.
Les outils de diffusion du travail des photographes du Québec et du Canada sont rares et donc particulièrement précieux. La revue CVphoto est de ceux-là. Subsistant essentiellement à l’aide de subventions, CVphoto voit, depuis plusieurs années, ces mêmes subventions stagner, voire dans certains cas diminuer. Que cette aide vienne du gouvernement municipal, provincial ou fédéral, chaque renouvellement accordé n’apporte aucun subside supplémentaire à la revue. Les coûts de production, eux, augmentent constamment. Les subventions constituent donc l’essentiel de nos revenus. « Et la commandite du secteur privé ! », me direz-vous. Les possibilités de vente d’espaces publicitaires dans les revues d’arts visuels contemporains sont très limitées. Les firmes qui pourraient, dans une certaine logique, nous offrir quelque support financier (je pense aux firmes impliquées dans le domaine de la photographie et de l’imaging), s’abritent derrière l’excuse de la récession, de la taille du marché, mais ne ressentent aucunement le désir de se lier à notre produit. Nous ne faisons pas assez grand public (CVphoto tire à 1500 copies) ou pas assez commercial (on ne fait pas dans le sensationnalisme, ni dans la promotion de concours d’amateurs ou d’écoliers). Il faut dire que les pouvoirs de décision de la plupart de ces grandes firmes se trouvent ailleurs, parfois à Toronto (nous n’y avons hélas pas de bureau), mais plus souvent à New-York, à Houston ou à Tokyo. Drame territorial, drame financier, drame de dépendance.
Cette dépendance de l’étranger qu’affiche un certain secteur privé de la commandite, le manque de moyens pour rejoindre les décideurs, alliés au format des subventions que nous recevons, affectent sérieusement notre capacité à diffuser correctement plusieurs champs d’expérimentation de la photographie contemporaine. Je pense entre autres à la couleur et au traitement informatique de l’image.
NOUS NE SOMMES PAS STRAIGHTS OU PASSÉISTES PARCE QUE NOUS NE PUBLIONS PAS D’ŒUVRES EN COULEUR OU NUMÉRIQUES.
NOUS N’EN PUBLIONS PAS PARCE QUE NOUS SOMMES PAUVRES.
Et cela est bien dommage. D’une part, nous nous éloignons de la réalité quotidienne des artistes. Nous devons, faute de moyens, taire (ignorer) un secteur entier de la pratique artistique contemporaine qui, faute de véhicule, doit s’abreuver à l’étranger et dans des secteurs d’activité platement commerciaux. Ce doit être l’équivalent en art de la mondialisation des marchés. La revue au bout du compte n’aura de valeur que par son historicité (ce qui n’est pas rien ! me direz-vous). Je me suis formé à la photographie en consultant des ouvrages étrangers, français, britanniques, japonais ou américains, que l’on trouvait alors dans tous bons kiosques à journaux et bibliothèques publiques. On parle ici des années soixante et soixante-dix.
Anecdote : L’hiver dernier, j’avais à donner un cours sur l’évolution du traitement du personnage en photographie. J’ai alors réalisé que c’était la première fois qu’un tel thème de réflexion pouvait être développé avec un contenu photographique d’ici, et être facilement accessible grâce à cinq ou six numéros de la revue CVphoto.
Aussi nous est-il impossible, faute de revenus décents, de verser des cachets adéquats (honnêtes) à nos collaborateurs. La bilinguisation de CVphoto avait pour objet de permettre une diffusion beaucoup plus grande des pratiques photographiques québécoise et canadienne. Cela fonctionne fort bien. Que nenni pour un quelconque support financier. De Québec, on pourrait comprendre ! D’Ottawa, on comprend moins bien. Faudrait-il frapper à la porte du gouvernement de la Grande-Bretagne ou des États-Unis ?
Malgré nos efforts constants pour produire une revue de qualité, avec des moyens financiers plus que modestes, on voudrait nous voir améliorer la revue sur tous les plans. La mode administrative dans le domaine des arts et de la culture exige que l’on améliore notre autonomie financière : le nombre d’abonnements augmente régulièrement, tout comme la distribution et la vente en kiosque au Canada et à l’étranger. Nous nous appliquons à augmenter de manière significative la qualité de nos textes en nous assurant de la collaboration de sommités, nationales et internationales, s’intéressant particulièrement aux corpus photographiques québécois et canadien. En tâchant d’éviter toute forme de sectarisme face aux pratiques et approches théoriques de la photographie, nous augmentons constamment le nombre et l’éventail de nos collaborateurs. Enfin, nous espérons présenter le travail d’un nombre plus grand de photographes. Pour ce dernier point, il va sans dire que cela nécessite un plus grand nombre de pages, donc d’argent.
Nous demandons aux artistes dont nous publions les travaux, de nous indiquer l’auteur avec lequel ils se sentent le plus d’affinités. Parfois le lien est établi avant même qu’il ne nous soit nécessaire de le proposer. Cette façon de faire en vaut bien d’autres et nous permet de maintenir le cap et d’avancer de façon constante vers les objectifs que nous nous sommes fixés.
Ces gens qui acceptent de collaborer le font pour la beauté du geste, par esprit chevaleresque ou par romantisme. Mais encore, ils comprennent aussi l’urgence et la nécessité d’une publication comme CVphoto dans le domaine des arts, ici où l’envahissement culturel sert d’excuse à l’indolence et au laxisme.
Nous avons créé une occasion pour de nouveaux auteurs de rendre publique leur réflexion et de publier leurs textes, ajoutant ainsi à la revue elle-même, et de ce fait au corpus, des textes savants sur l’art (dont la photographie), rédigés avec un certain vent de fraîcheur et peut-être de changement.
Nous avons choisi de présenter dans la revue des portfolios de photographes, afin de pallier le manque flagrant – au Québec et au Canada – de publications visant à promouvoir le travail de nos artistes dans ce domaine. Nous publions trois portfolios par numéro quatre fois dans l’année. Donc douze portfolios et douze textes de plus à ajouter au corpus artistique d’ici. Ainsi, à long terme, nous croyons en venir à mettre sur pied une anthologie de la photographie québécoise et canadienne qui puisse donner un aperçu aussi juste que possible de la production photographique contemporaine de ce pays, et ce, dans la mesure de nos maigres moyens.
Enfin, nous croyons aussi que par sa formule, son orientation et son contenu, la revue CVphoto offre aux artistes une possibilité de diffusion particulièrement intéressante, en « exposant » pour un minimum de trois mois – et un maximum de plusieurs années – huit à dix œuvres accompagnées d’un texte souvent rédigé par un auteur de belle renommée et de grand talent. Nous leur proposons nos pages pour qu’ils les fassent leurs. Si nous avions la possibilité de verser des cachets correspondant au travail fourni par les collaborateurs, nous pourrions aller le front haut vers eux et améliorer notre produit face aux commanditaires et aux subventionneurs.
Pour toutes ces raisons, parce que la situation de la revue CVphoto est toujours critique, parce qu’il est souhaitable d’agir maintenant plutôt que trop tard et que vous prenez plaisir à la recevoir, à la regarder et à la lire, je vous demande bien humblement de nous manifester votre soutien en nous faisant parvenir une lettre d’appui. Vos lettres nous permettront de poursuivre notre travail en tenant compte, dans la mesure du possible, de vos idées et suggestions. De plus, à moins d’avis contraire de votre part, elles pourront être utilisées en «annexe» aux demandes de subventions que nous devons produire chaque année.