[Été 1995]
Musée du Québec
Du 1er mars au 28 mai 1995
La rétrospective des photographies de l’Allemand Dieter Appelt organisée par le Art Institute of Chicago et présentée ce printemps au Musée du Québec est à la fois dense et percutante à bien des égards. Subdivisée en deux moments distincts, l’exposition couvre une œuvre autobiographique qui, dans un premier temps (1959-1987), nous renvoie l’image d’un homme utilisant son corps comme outil de flagellation – à la manière d’une poupée vaudou – , ou se livrant à de mystérieux rites d’initiation. Le travail d’après 1987, beaucoup plus formaliste et méthodique celui-là, insiste sur le temps, l’accumulation, les prises de vue multiples, les sujets en mouvement rotatif. De là l’effet-choc, provenant non seulement d’un contenu émotif et troublant, mais aussi de la monumentalité des formats, et des expériences complexes et rigoureuses à partir du procédé même de la photographie.
Cet art allemand emprunte à l’expressionnisme son caractère austère et dramatique. Dieter Appelt – photographié pendu par les pieds, nu ou momifié, enduit de boue ou enfermé dans un cachot – exploite une dimension théâtrale issue de ses propres pratiques de la performance. L’entreprise participe certes d’une bonne dose d’égocentrisme. Or chez cet artiste victime des séismes de la guerre, l’ego se traduit par un langage du corps utilisé à des fins d’exorcisme. Mais plus encore. Ses expériences photographiques à images répétitives et mouvantes parviennent précisément à transcender le corps et à sublimer le temps. La photographie devient ici un processus de mise en forme où le réel semble nettement défiler à travers une dimension autre. Et c’est là où l’entreprise devient fascinante.