La Photographie en France, textes et controverses : une anthologie 1818 -1871 – Manon Gosselin

[Automne 1996]

Sous la direction d’André Rouillé,
Paris, Macula, 1989, 543 p., illus., 80,00$.

André Rouillé a co-dirigé avec l’historien français Jean-Claude Lemagny une importante Histoire de la photographie parue en 1986. Ce qu’il a publié en 1989 aux Éditions Macula révèle une importante collection d’extraits de textes choisis dans le corpus vivace des écrits sur la photo­graphie au XIXe siècle.

À l’époque de la stabilisation de ce procédé technique, dans les années où Disdéri déposa son brevet (1854) pour un commerce de « cartes de visite » qui allait radicalement bouleverser les conventions et fonctions du portrait ; dans ces années où la photographie allait être admise pour la première fois dans l’anti­chambre du Salon des beaux-arts (1859), les vues sur son avenir soulevaient passions et controverses. Perçue comme le crayon obéissant à l’idéal d’une parfaite reproduction de la nature, la photographie curieusement était appelée à demeurer l’humble et modeste servante des beaux-arts. Certains voyaient dans ce procédé mécanique l’orchestration de l’assassinat de la beauté alors que d’autres croyaient y voir l’annonce d’une bonne nouvelle pour l’avenir de la peinture. Antoine-Joseph Wiertz écrivait en 1855 : « Cette machine, avant un siècle, sera le pinceau, la palette, les couleurs, la ficelle, le modelé, le fini, le rendu. Avant un siècle, il n’y aura plus de maçons en peinture : il n’y aura plus que des architectes, des peintres dans toute l’acception du mot. Qu’on ne pense pas que le daguerréotype tue l’art. Non, il tue l’œuvre de la patience, il rend hommage à l’œuvre de la pensée. »

Cette anthologie nous fait connaître des textes célèbres et singuliers tel le « Traité provisoire » de 1829 intervenu entre Niépce et Daguerre et qui stipulait : « Aussitôt après la signature du présent traité, Monsieur Niépce devra confier à Monsieur Daguerre, sous le sceau du secret […] le principe sur lequel repose sa découverte […]. » Ces documents produits dans les journaux et revues du temps, par les détracteurs-menacés ou les amoureux-exaltés qui voyaient les effets naissants de la photographie, André Rouillé nous invite à les lire. En ajoutant à ces extraits une courte présentation, il éclaire les visions sur la représentation bousculées par l’avènement de la photographie. En supplément, quelques caricatures, dessins et photographies sont reproduits ; on trouve, en annexe, des index et des repères admirablement bien documentés.

Annonçant l’infinie reproductibilité des images, le surpassement de l’image unique avec la mort du daguerréotype a ouvert un champ à la reproduction d’une image du monde qui n’avait jamais pu circuler aussi trivialement. Dès ce commencement, les écrits sur la photographie découvraient les enjeux de ce trafic et en témoignaient. Cet ouvrage fascinant d’André Rouillé demeure un outil précieux pour ceux qui s’intéressent à cette première période historique de la photographie.