[Hiver 1996-1997]
Montréal, Éditions Nicole Gingras, 1996, 44 p.
Disponible chez Artexte.
Cet ouvrage est le premier paru aux Éditions Nicole Gingras. Il est entièrement consacré à Mireille Baril, une artiste née en 1959 et qui vit à Montréal. Au fil des ans, Baril a élaboré une longue réflexion liée au vocabulaire photographique et à la camera obscura. Son travail a surtout été présenté au Québec, entre autres au Centre VU (Québec), à la Galerie Rochefort (Montréal) et à la Galerie Vox (Montréal). Cette petite publication est importante pour deux raisons. D’abord parce qu’elle se penche exclusivement et pour la première fois sur une artiste dont les œuvres, rigoureuses et fascinantes, ont trop peu été diffusées. Ensuite, parce qu’elle inaugure une nouvelle maison d’édition qui, espérons-le, développera une suite de monographies d’artistes québécois et québécoises.
Ces chambres que l’on croit obscures n’est donc pas un catalogue d’exposition. C’est un ouvrage de réflexion qui souligne l’apport de Mireille Baril à la pratique et à la technique fort ancienne de la camera obscura. Deux textes forment l’ensemble des essais. Le premier est signé par Nicole Gingras. Il insiste sur les qualités qu’affichent ces présences d’images, que l’auteure identifie comme des lieux paradoxaux : ceux de l’apparition et de la disparition, ceux de l’ancrage et de la dérobée. Mireille Baril construit des installations élaborées autour d’un dispositif de départ assez simple : celui de la chambre noire. Elle complexifie ce dispositif en y ajoutant lampes, magnétoscopes, caméras vidéo et moniteurs. Sans se détourner véritablement de son essence, l’appareillage mis en place travaille autrement, et notamment en intégrant les visiteurs dans l’image projetée. Les effets transitoires se manifestent alors et le rapport au temps se modifie. Le visiteur s’ajuste. D’où l’effet de trouble, relevé par Nicole Gingras, qui affecte le réel et son perpétuel déplacement à l’écran.
L’autre texte est signé par David Harris et s’attarde, en premier lieu, à replacer la pratique de la camera obscura dans une perspective historique, en insistant sur la démarche même de Baril qui, selon lui, «n’est pas animée par des pulsions d’antiquaire» mais plutôt par «l’émerveillement qui loge au cœur de la camera obscura». David Harris, comme Nicole Gingras, insiste sur l’expérience de l’œuvre et sur l’espace fictif marqué par la suspension du présent «entre un passé et un futur». L’ensemble des textes est accompagné d’une quinzaine de reproductions photographiques qui rendent assez bien l’impression fugitive des installations conçues par l’artiste. Quelques graphiques complètent le tout afin de mettre en lumière l’organisation.
Ce livre apporte un plaisir certain à quiconque s’intéresse à l’image photographique, en particulier celle qui ne refuse pas d’être apparentée au cinéma, à la vidéo ou même à la peinture. Si Mireille Baril participe au développement singulier d’une réflexion sur les multiples conditions d’apparition du photographique, les auteurs qui abordent son travail lui rendent justice en soulignant toute sa pertinence et son impact.