par Jacques Doyon
La banque d’images est une archive structurée par des modalités de sélection, d’indexation et de recoupement thématique qui conditionnent ses usages. Les artistes s’approprient ce dispositif pour explorer les enjeux de notre culture visuelle et le devenir contemporain du « musée virtuel » préfiguré par Malraux. Ils plaident fondamentalement pour une lecture attentive des images et une pleine prise en compte du legs historique de la culture visuelle.
Les portfolios de ce numéro sont consacrés aux œuvres de Peter Piller (Leipzig), George Legrady (Canadien vivant à Santa Barbara, Californie) et Luis Jacob (Toronto). Piller a produit de très nombreuses séries en puisant dans les milliers d’images de l’archive qu’il a assemblée. Nous présentons de lui trois séries d’images montrant le sort de bombes non explosées et des battues policières. Malgré l’impact de leurs contenus, Cheryl Simon montre bien leur parenté avec le caractère banal et stéréotypé des images que privilégie Piller pour évoquer la pauvreté des représentations collectives contemporaines. Les deux œuvres interactives récentes de Legrady mettent l’accent sur les structures sous-jacentes à la composition des banques d’images et leur nature collective et collaborative. L’analyse de Jean Gagnon rappelle l’intérêt que porte depuis longtemps Legrady aux liens existant entre une décontextualisation de l’image et sa mise en circulation virtuelle. Les Albums de Luis Jacob proposent une lecture très attentive des formes qui façonnent notre environnement et nos relations avec les autres. James Campbell montre comment cet intérêt pour les formes concrètes que prend notre relation au monde, tout comme l’ensemble des travaux multidisciplinaires de Jacob, s’inscrivent dans une philosophie intersubjective et communautaire, aux forts accents utopistes.
En complément de ces travaux, Vincent Bonin rappelle le projet de réseau collaboratif Image Bank, mis en œuvre par Michael Morris et Vincent Trasov à partir de Vancouver dans les années 70, qui abordait déjà ces questions. En entrevue enfin, Angela Grauerholz nous entretient des motivations qui l’ont amenée à transposer les imposantes archives de l’installation La Salle de lecture de l’artiste au travail en une nouvelle œuvre Internet intitulée Work + Play. Ce numéro vous propose également deux essais portant sur d’autres dimensions institutionnelles du champ de l’image. Zoë Tousignant analyse les questions que soulève l’acquisition par le Musée national des beaux-arts du Québec de l’importante collection de photographies historiques d’Yves Beauregard. De son côté, Serge Allaire rend compte de l’imposante exposition présentée cet été aux Rencontres d’Arles, sous le commissariat du designer Christian Lacroix, et proposant un regard anthropologique sur le vêtement et la photographie de mode.
Une fois de plus, nous espérons que le contenu et la présentation de ce numéro vous surprendront et vous interpelleront. Ciel variable a, dans ses cartons, de nombreux projets de développement visant à une couverture accrue des différentes composantes du champ de la photographie artistique et des nouveaux médias. Faites-nous signe et abonnez-vous!