Ouvrages à souligner – Anne-Marie St-Jean Aubre

[Automne 2011]

Ciel variable 88 - Visages / Ouvrages à souligner

Ciel variable 88 – Visages / Ouvrages à souligner

par Anne-Marie St-Jean Aubre

Sur l’art

Le magazine autoproduit peut servir de terrain aux explorations de l’artiste, ce que démontre Gwen Allen, professeure associée en histoire de l’art de la San Francisco State University, en traitant de la propension des artistes à investir l’espace du magazine imprimé comme lieu de création et espace parallèle de monstration depuis les années 1960. L’ouvrage théorique Artists’ Magazines: An Alternative Space for Art (Cambridge, MIT Press, 2011, 376 p., angl.), propose huit études de cas approfondies sur les magazines les plus déterminants des années 1960 à 1980, chacune des publications, essentiellement américaines, étant analysée au regard d’une problématique particulière. Le magazine comme médium, comme espace parallèle, comme miroir ou encore l’exploration des paramètres de la page sont autant de thématiques abordées en rapport avec les périodiques ARTFORUM, ASPEN, 0 TO 9, AVALANCHE, ART-RITE, FILE, REAL LIFE et INTERFUNKTIONEN. Suit une annexe impressionnante répertoriant et décrivant sommairement les magazines d’artistes parus entre 1945 et 1989.

Sur l’artiste

La démarche de Jack Burman, qu’on découvre dans The Dead (Toronto, The Magenta Foundation, 2010, n.p., angl.), risque de ne laisser personne indifférent. Depuis plus de vingt ans, Burman aborde la mort en captant tout autant des images de parties de corps conservées dans des musées médicaux, des catacombes, des églises que des images de camps de concentration. Les photographies documentaires rassemblées évitent le piège de la théâtralisation; elles sont le fruit d’un regard humaniste, empreint de respect et de recueillement, ce qui les rend à la fois belles et insoutenables. Introduit par Martha Hanna, l’ouvrage contient un entretien mené par Robert Enright, une occasion pour l’artiste d’expliquer sa quête et les motivations profondes qui nourrissent son travail.

Les œuvres d’Angela Grauerholz sont également travaillées par les questions de la mémoire, du temps, de l’archivage, ce dont rend compte le plus récent catalogue publié sur son travail, Angela Grauerholz. The Inexhaustible image… épuiser l’image (Ottawa, MCPC, 2010, 240 p.,fr. / angl.). Martha Hanna, à l’origine du projet au Musée canadien de la photographie contemporaine, en signe le texte d’ouverture qui propose un survol de la pratique de Grauerholz, abordant tous les grands thèmes explorés depuis les années 1980. Marnie Fleming rappelle brièvement l’histoire de l’avènement des archives photographiques en rapport avec les structures muséales – une idée au centre des préoccupations de l’artiste – alors qu’Olivier Asselin réfléchit à l’influence des pratiques de collection et d’archivage dans l’œuvre de Grauerholz, ainsi qu’à son rapport à la fiction, à la mélancolie et à l’histoire.

Les Fermières Obsédées (Trois-Rivières, Les Éditions d’art Le Sabord, 2011, 147 p., fr. / angl.) est le premier ouvrage consacré exclusivement à la production du collectif d’artistes éponyme. La monographie s’ouvre sur une courte introduction rédigée par Thérèse St-Gelais, suivie des textes d’André-Louis Paré, de Marie-Ève Charron, de Guy Sioui Durand et d’Aline Caillet, chacun explorant une facette du travail de ces femmes artistes – leur fréquentation de l’espace public, leur rapport au corps et la nature collective de leur travail, leur apport à l’évolution de l’art action au Québec et le potentiel critique de leurs performances. Délinquantes et perturbatrices, Les Fermières Obsédées renversent les codes féminins de la séduction en choisissant l’excès plutôt que la retenue, la souillure plutôt que la grâce. Elles bousculent depuis 2001 l’image prescrite de la femme, ce que la documentation rassemblée sur le DVD joint à l’ouvrage permet de constater.

Publié à l’occasion du premier solo de l’artiste Anri Sala en sol canadien, Anri Sala (Montréal, MACM, 2011, 60 p./56 p., fr. / angl.) rassemble deux projets en un. D’abord, un catalogue d’exposition joignant des images du travail exposé au texte de la commissaire Marie Fraser, qui relève les différentes manifestations du son dans cette œuvre. Lorsqu’on retourne l’ouvrage, on trouve une série d’entretiens avec des acteurs du monde de l’art contemporain menés par Edi Rama – artiste, maire de Tijuana et ami de Sala –, accompagnés de dessins improvisés par ce dernier sur ce qui paraît être des documents officiels de la mairie. Un texte de Sala introduit ce projet intitulé Inversion, également présenté dans l’exposition, qui explore l’entre-deux situé entre l’esthétique et le politique, entre l’art et son pouvoir de transformation sociale.

Par l’artiste

Issu également d’une réflexion liant art et politique, Toppled (Rotterdam, post editions, 2010, 150 p., angl.), le livre d’artiste réalisé par Florian Göttke est composé d’une collection d’images trouvées sur Internet révélant le traitement qui a été réservé aux statues de Saddam Hussein après la chute de son régime en Iraq. Proposant véritablement une interprétation du déroulement des événements depuis 2005, allant jusqu’au moment de l’exécution de Hussein en 2007, le livre engage une réflexion sur le pouvoir de l’image dans le contexte d’une dictature. Au dirigeant se substitue ainsi sa représentation, à laquelle on obéit ou on s’attaque, lui faisant subir par procuration une humiliation réparatrice. D’abord communiqués sous la forme d’une conférence, les images et textes ici rassemblés sont en partie accessibles sur un site Internet dédié au culbutage des représentations de Hussein : toppledsaddam.org

Anne-Marie St-Jean Aubre est adjointe à la rédaction du magazine Ciel variable.

 
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