[Hiver 2014]
Des monographies
La publication Milutin Gubash couvre l’ensemble du travail réalisé sur une décennie par cet artiste canadien d’origine serbe. De grande envergure, la publication est née d’une collaboration entre cinq institutions muséales canadiennes qui ont récemment exposé le travail de Gubash. Des essais des commissaires ainsi que d’auteurs invités abordent ses projets au regard de leurs enjeux identitaires et politiques et de la grande diversité des médiums utilisés par l’artiste. Récits et autofictions animent ce travail au moyen de langages inventés et de signes élaborés comme autant de stratégies qui interrogent les limites de notre compréhension du monde. Milutin Gubash, Rodman Hall Art Centre / Brock University ; Carleton University Art Gallery ; Kitchener-Waterloo Art Gallery ; Southern Alberta Art Gallery ; Musée d’art de Joliette, 2013, 192 p., angl. / fr.
Dans Pascal Dufaux : Œuvres vidéo-cinétiques / Video-Kinetic Works (2005-2013), le lecteur pourra prendre connaissance de l’entreprise technologique sous-jacente à cette œuvre sculpturale génératrice d’images. Dans son essai, Marie Perrault analyse chronologiquement l’ensemble de ces machines visuelles, en dégageant les savoir-faire scientifiques qui les sous-tendent. Elle démontre notamment comment certains de ces dispositifs se rapprochent des appareils d’imagerie médicale, des dispositifs de surveillance ou bien d’instruments de mesure scientifiques. Plus largement, ces analyses permettent d’inscrire leurs modalités de fonctionnement au sein de la culture visuelle contemporaine. Pascal Dufaux : Œuvres vidéo-cinétiques / Video-Kinetic Works (2005-2013), Montréal, Marie Perrault éditeur, 2013, 96 p., fr. / angl.
La commande du morse, de Guillaume Simoneau, constitue un troisième titre pour cette toute jeune maison d’édition qui a pour mandat de diffuser des œuvres photographiques contemporaines. De facture sobre et élégante, cet ouvrage relate la crise sociale de 2012 au Québec avec des images dégagées du traitement médiatique habituel et presque détachées de leur sujet. Ces photos s’accompagnent d’un récit d’Alexis Desgagnés dont la voix sollicite la conscience collective sur une note plutôt optimiste quant à l’histoire et à la suite des choses. Du même photographe, Love and War rassemble un corpus d’images faisant aussi appel à la mémoire, mais sur un sujet plus intime, celui de sa relation avec Caroline Annandale. Une histoire d’amour, marquée de ruptures et de retrouvailles, qui prend une dimension moins individuelle avec l’engagement de la jeune femme dans l’armée et son assignation en Irak. Guillaume Simoneau, La commande du morse, Montréal, les Éditions du renard, 2013, 74 p., fr. et Love and War, Stockport, R.-U., Dewi Lewis Publishing, n. p., angl.
Accompagnant l’exposition éponyme, La maison où j’ai grandi – Raymonde April, regroupe un corpus d’œuvres récentes qui revisitent des images antérieures de lieux de Rivière-du-Loup, ville natale de l’artiste, et d’évènements qui s’y sont produits. Ces différentes temporalités des regards portés sur le quotidien d’une ville et de ses habitants campés dans des paysages ruraux et urbains donnent lieu à des portraits émouvants où s’entremêlent les générations. Avec ses mises en scène intimes juxtaposées à des vues d’espaces publics, la publication présente une cartographie poétique autant de l’œuvre de Raymonde April que d’une petite ville du Bas-Saint-Laurent. La maison où j’ai grandi – Raymonde April, Rivière-du-Loup, Les Éditions Mus’Art / Musée du Bas-Saint-Laurent, 2013, 60 p., fr. / angl.
Des essais
À l’issue du dernier Mois de la Photo à Montréal, Drone : L’image automatisée est un outil indispensable. Le commissaire Paul Wombell y énonce tout d’abord, dans un texte intitulé La boîte noire, les enjeux de la thématique principale de la biennale ainsi que l’apport sur ces questions des artistes sélectionnés. Les essais de Joanna Zylinska, Melissa Miles, Francine Dagenais, Jordan Crandall et George Legrady viennent ensuite alimenter la réflexion sur l’automatisation de l’appareil photographique et sur le thème du drone. Mettant en avant l’appareil plutôt que le contrôle de l’humain, la réflexion met l’accent sur les instruments photographiques et leurs automatismes respectifs pour révéler les transformations historiques des technologies qui changent notre perception de l’image et du monde contemporain. La question de l’efficacité propre à ces appareils automatisés, de leur « intentionnalité » intrinsèque, se retrouve aussi au cœur de ces analyses. Drone : L’image automatisée, dir. Paul Wombell, Montréal, Le Mois de la Photo à Montréal ; Bielefeld, Kerber Verlag, 2013, 232 p., fr. / angl.
D’abord paru dans sa version originale anglaise en 2008, Pourquoi la photographie a aujourd’hui force d’art de Michael Fried constitue un volumineux ouvrage mettant en relief les artistes les plus emblématiques de la photographie contemporaine, dont Jeff Wall, Thomas Struth et Luc Delahaye, pour ne nommer que ceux-là. L’auteur avoue lui-même ne pas être un spécialiste de l’image photographique et ne s’en être préoccupé qu’au printemps 2003 alors qu’il préparait un manuscrit portant sur Le Caravage. Cela expliquerait en partie la manière dont il aborde la photo et élabore son corpus en la comparant à la peinture. À partir des année 1970, l’apparition des grands formats, la référence au cinéma, la question de la mise en scène, celle de la théâtralité ainsi que la notion de l’« absorbement » (captation du public) sont au cœur du développement de son essai. Michael Fried, Pourquoi la photographie a aujourd’hui force d’art, Malakoff, éditions Hazan, 2013, 406 p., fr.
Sonia Pelletier est coordonnatrice à l’édition de la revue Ciel variable.