Guy Delisle, Pour une fraction de seconde – Michel Hardy-Vallée

[Automne 2025]

Guy Delisle, Pour une fraction de seconde
par Michel Hardy-Vallée

Paris, Delcourt, 2024, 202 pages

[EXTRAIT]

Pour qu’on dise d’une œuvre qu’elle est de la photographie, elle doit contenir au moins une image. Ajoutez-en une deuxième et vous avez une bande dessinée. Avec une troisième, vous obtenez du cinéma si vous les faites défiler rapidement. Je simplifie, bien sûr, mais la subtilité et la proximité des frontières entre ces médias sont fondamentales au propos de Guy Delisle. D’ailleurs, comment invente-t-on le cinéma ? Eadweard Muybridge ne s’est pas levé un matin avec l’idée de créer des petites vues animées. Mais le résultat de son travail d’analyse photographique du mouvement des chevaux a ouvert la brèche par laquelle le cinéma est advenu.

Connu pour ses bandes dessinées autobiographiques, comme Pyongyang (2003) ou Chroniques de Jérusalem (2011), dans lesquelles il donne à voir avec une désarmante simplicité des contextes géopolitiques chargés, Delisle est un conteur doublé d’un pédagogue. Il livre ici une biographie de Muybridge qui suit celui-ci de son arrivée aux États-Unis en 1855 jusqu’à son décès en 1904. Afin d’expliquer comment cet Anglais a réussi à prouver que les quatre pattes d’un cheval au galop quittent le sol pour une fraction de seconde – et pourquoi cette question importait –, Delisle entrelace plusieurs fils narratifs. D’abord, une histoire condensée de la photographie permet de comprendre la dimension technique du défi de Muybridge. Ensuite, sa biographie le montre comme un être incandescent, pétri de traumatismes. Enfin, le récit intègre l’industriel Leland Stanford, qui souhaite prouver qu’il a raison sur le mouvement des chevaux et qui finance les premières expériences de Muybridge. Rien de tout cela ne vise à inventer ce qui en découlera.

[…]

[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 130 – PLANTES ET JARDINS ]
[ L’article complet en version numérique est disponible ici : Guy Delisle, Pour une fraction de seconde]


Michel Hardy-Vallée est historien de la photographie, commissaire indépendant et chercheur invité à l’Institut de recherches en art canadien Gail et Stephen A. Jarislowsky de l’Université Concordia. Ses recherches portent sur le livre de photo­graphie, la narration visuelle, les pratiques interdis­ciplinaires ainsi que sur les archives, dans les contextes québécois et canadien. Il est l’auteur de Premières planches : photos de John Max (VU, 2025).