Sylvie Readman, Convergences élémentaires – Mona Hakim

[Printemps 2000]

Galerie Optica, Montréal
du 29 octobre au 4 décembre 1999

Présentée chez Optica (précédemment chez Vu à Québec), Convergences élémentaires, la plus récente exposition de Sylvie Readman, s’inscrit à peu de choses près dans le prolongement de Reviviscence, une très belle série d’œuvres aux assises paysagistes réalisée en 1995. Préoccupée par les digressions de la représentation et ses effets retors sur les phénomènes de la perception, la photographe ne pouvait trouver meilleur sujet d’investigation que le paysage (récurrent dans sa production depuis 1991) avec ce qu’il transporte d’histoire, de normes, d’affects et de mémoire. Dans Convergences élémentaires, le paysage cherche toutefois à s’éclipser au profit d’une production qui laisse transparaître les allégeances plus formalistes de l’artiste.

Sylvie Readman est au nombre de ceux qui, au cours des années 80, ont redéfini le rôle de la photographie québécoise à partir des moyens offerts par le médium et de son propre système de représentation. Adepte de l’image manipulée, ses toutes premières mises en scène fictives (1982) ont ouvert la voie à une panoplie de stratégies techniques allant de la surimpression à la surexposition des images. Comme résultat, un référent qui ne tient pas en place, vacillant entre l’opacité et la transparence que lui consent sa surface d’enregistrement, et qui se voit maintenu aux limites de l’illusion et de l’allusion.

L’usage fréquent de diptyques, comme prétexte au jeu d’associations d’idées, s’ajoute à l’étrangeté initiale de chacune des images. La mémoire ici s’active ferme : bottes de foin, sentiers, nuages, mains jointes et sillons possèdent tous un air de déjà vu. Peut-être était-ce dans Petites histoires des ombres (1991), dans Reviviscence (1995) ou bien est-ce au cœur de nos propres images mentales ?

Reviviscence nous avait habitué à ce genre de scénario en forme de vases communicants, dans lequel l’artiste excelle. Ce qui diffère cette fois, c’est l’aspect plus minimaliste de son travail alors que paysages et objets, se profilant entre l’ombre et la lumière, s’embrouillent de plus en plus et paraissent indéterminés, presque abstraits.

La représentation de simples sillons, de nuages captés à vol d’oiseau ou la rencontre entre la pointe d’un crayon qui dessine et les fines lignes de poteaux téléphoniques sur un paysage neigeux figure une graphie qui est langage des signes. Fidèle à son attachement envers le fait pictural, Readman lui emprunte ici son dialecte formel et sémiotique qu’elle infiltre dans le langage photographique. Trace, empreinte, signe, index gravitent en quelque sorte sur la surface plane du support et dans l’épaisseur des images.

On savait Sylvie Readman obnubilée par la rigueur technique de son médium et par les dispositions conceptuelles. Ce que l’on percevait moins cependant, amenuisé sous la charge sensitive de ses grands paysages antérieurs, c’est le souci formel qu’elle se permet ici d’exploiter davantage. Certes cette production peut paraître plus austère, plus distante, comparée à son iconographie précédente. En soulevant les couches littérales qu’elle se plaisait à manipuler, Readman en arrive à l’écriture de base. Entre la main qui trace (Jalons) et la main qui pétrit (Nœuds) il serait effectivement question de convergences élémentaires.