[Automne 2022]

Restez à la maison; allez marcher
Par Michel Hardy-Vallée

[Extrait]

Ma mémoire des premiers mois de la pandémie est encore embrouillée, mais ces deux injonctions contradictoires, simultanément émises au tout début du confinement, me sont soudainement revenues. Ces impératifs d’une apparente banalité, à la limite apparente de l’insignifiance, allaient en fait changer notre monde. Obliger les gens à appliquer consciemment ce qu’ils faisaient quotidiennement m’apparaît maintenant comme une bizarre victoire de la sociologie du sens commun, qui s’est fendue en quatre pour nous faire comprendre la complexité du ça-va-de-soi¹.

Dans l’inévitable banlieue où je me suis établi comme jeune père de famille, rester à la maison va de soi lorsqu’on a une cour arrière et un sous-sol pour changer le mal de place – plus facilement que dans un appartement en ville. Aller marcher était simplement une extension du domaine de l’isolement. Pourtant, c’est de la densité urbaine dont je rêvais lors de chacune de mes déambulations, alors même que cette dernière souffrait des conséquences économiques du désastre. J’aurais voulu rencontrer des passants qui n’étaient pas surpris de se déplacer dans leur quartier à pied plutôt qu’en voiture, ou entrer dans un espace public comme un commerce ou une bibliothèque pour en émerger dans un état inattendu, imprévisible – même s’il devenait de moins en moins possible, éventuellement interdit après une certaine heure, de flâner. Marcher, comme habiter, est une pratique différentiée socialement…

[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 121 – DÉAMBULATIONS ]
[ L’article complet et plus d’images, en version numérique, sont disponibles ici : Pierre Blache, L’insolence des villes — Restez à la maison; allez marcher, Michel Hardy-Vallée