[Été 2000]
Paris, éditions du Regard, 1998, 326 pages.
Dans cet essai, Baqué situe la diversité des pratiques de la photographie admises au champ de l’art contemporain depuis la fin des années soixante. La dénomination « photographie plasticienne » sert à qualifier, pour cette courte période de l’histoire de l’art, les multiples croisements entre le médium photographique et les arts plastiques. Le parcours débute par les divers usages de la photographie comme constat du geste artistique chez les tenants du land art et du body art. D’après Baqué, les œuvres de Rainer ou Oppenheim traduisent clairement une volonté d’imbrication de la photographie aux pratiques picturales ou sculpturales et annoncent la reconnaissance de la photographie comme un élément catalyseur du débat de l’art contemporain. On ne saurait également remettre en question la justesse de cette dénomination en regard des stratégies d’hybridation des Gioli, Zoppis ou encore Witkin. Selon l’auteur, le postmodernisme des années quatre-vingt consacrera la photographie en tant que figure dominante du champ de l’art contemporain. Les œuvres choisies pour représenter la dernière décennie du vingtième siècle dénotent, quant à elles, une logique transversale très soutenue avec la vidéo, le cinéma, la publicité et la mode. Baqué analyse habilement cette traversée des médias caractérisant entre autres productions, celles des Morimura, Sherman ou Simmons. Il faut le souligner, les trente dernières années de cette histoire de la photographie dans le champ de l’art contemporain sont savamment documentées.
Toutefois, dans cet ouvrage, l’idée selon laquelle l’assimilation de la photographie au champ de l’art contemporain aurait poussé lentement le médium vers son exténuation me semble plus délicat. Voilà ce qui ferait de la photographie plasticienne « un art paradoxal » : « de la photographie entendue comme régime spécifique de vision, ne subsistera bientôt plus que la trace ». Bien que l’auteur spécifie à plusieurs reprises ne pas s’attacher à définir une histoire spécifique du médium, elle conclut néanmoins son essai en nous annonçant la mort de la photographie, ce qui ne laisse pas de me rendre perplexe.
Tout au long de l’ouvrage, Baqué revient constamment à cette idée que la photographie plasticienne fut l’un des éléments porteurs de la déconstruction du modernisme. Il est indubitable que les pratiques photographiques des années quatre-vingt – mises de l’avant dans cet ouvrage – ont déconstruit les mythes avant-gardistes de l’originalité et de la nouveauté et qu’elles ont également achevé la défection du dogme greenbergien de la pureté du médium. Toutefois, il m’apparaît problématique de consacrer ainsi la mort du modernisme et de reprendre cependant les schèmes greenbergiens pour analyser l’évolution de la pratique photographique dans les années quatre-vingt dix. Ce qu’elle observe dans cette photographie et plus précisément dans l’esthétique trash des Kreuter ou Tillmans ne sont que des antinomies au modernisme : absence de nouveauté, faible historicité, hétéronomie du médium, etc. C’est à se demander si cette insistance de l’auteur à vouloir situer la photographie plasticienne en regard du modernisme ne cacherait pas une certaine nostalgie pour ces grands principes d’arraisonnement de l’art élaborés par Clément Greenberg.