[Printemps 1997]
Maison de la culture Côte-des-Neiges, Montréal
Du 24 octobre au 1er décembre 1996
L’exposition de Pierre Guimond présentée l’automne dernier à la maison de la culture Côte-des-Neiges ne péchait pas par économie. Près de cent cinquante images captées entre 1990 et 1994 dans sept grandes villes — dont Bucarest, Hong-Kong, Buenos Aires — font l’objet d’étonnants photomontages créés par ordinateur. Ainsi sommes-nous témoins de la «rencontre fortuite» entre monuments historiques, panneaux-réclame, statues géantes et autochtones typés.
Par l’entremise du photomontage, Guimond se permet des combinaisons de son cru qui évoquent par là le geste subjectif du peintre sur son tableau et que l’on associe très vite chez lui à la démarche surréaliste. Or, ici, couleurs criardes, décors figés et personnages «qui posent» tendent d’avantage à la vraisemblance, trahissant à peine l’atmosphère du lieu visité, trompant constamment le regard à propos de ce qui est vrai et de ce qui est fabriqué. À cet égard, l’entreprise est astucieuse et menée avec une grande habileté. Souvent, toutefois, Guimond donne trop d’informations à l’intérieur d’une même image. L’œil, déjà passablement sollicité par l’ambiguïté de la représentation, finit par s’égarer dans une surcharge de motifs et de combinaisons quelque peu forcées qui n’ajoutent rien à l’impact des images et à la compréhension que l’on peut en avoir. Pour les mêmes raisons, l’exposition aurait gagné à comporter moins d’œuvres.
Ce travail n’est pas sans rappeler la photographie manipulée des années soixante-dix. À cette différence que, ici, la portée sociale de l’œuvre — dans laquelle s’inscrivent la publicité, le politique, la consommation — prend pertinemment en compte les effets actuels de la mondialisation et du télescopage permanent d’informations. De plus, en soulignant la place de l’humain (absent dans ses productions antérieures) au cœur des grandes capitales, Guimond insuffle à ses photomontages une dimension ethnographique qui les enrichit de beaucoup.
Délaissant la technique du collage à partir de publicités existantes, l’artiste prend un virage important en s’affirmant dorénavant comme photographe accompli. Un virage heureux, qui fait preuve d’une démarche distinctive dans le champ de la photographie actuelle.