[Hiver 1988]
par Victor Regalado
Par un matin froid il y a quelques milliers d’années apparurent au nord du continent, sur la glace immaculée, les premières traces humaines. Sous d’autres latitudes, par une nuit de lune ou une journée grise, des hommes poussés peut-être par une bourrasque tropicale touchaient la terre pour venir s’établir sur un nouveau continent.
Bref, peu importe le scénario que notre imagination nous permet d’élaborer, il est certain que le phénomène de la migration dans ce continent apparaît avec l’arrivée du premier homme.
Depuis la plus lointaine antiquité, l’homme s’est déplacé de long en large sur la planète, cherchant de nouvelles et meilleures terres pour sa subsistance, au début comme un nomade, depuis, pour s’y établir et se développer.
En ce qui a trait à notre continent, nombreuses sont les preuves scientifiques qui témoignent de l’arrivée de l’homme par différentes voies.
Il y a environ 30,000 ans, un type d’homme mongoloïde venant d’Asie traversait le détroit de Behring et s’éparpillait dans tout le nord du continent jusqu’au haut plateau mexicain.
Au Brésil, on a trouvé des restes d’une espèce différente du mongoloïde venu d’Asie. (L’explora-teur norvégien Thor Heyerdahl a démontré à l’aide du radeau Kontiki la possibilité d’aller et venir de différents points, de la Polynésie au Pérou). Cet homme du Brésil a habité la région ilya près de 20,500 années, et de lui dérivent plusieurs vagues migratoires qui ont peuplé l’hémisphère Sud du continent, les Caraïbes et l’isthme centre-américain.
Une nouvelle théorie développée l’anthropologue salvadorien Antonio R. Arocha a permis d’établir très récemment avec d’abondantes preuves, que des hommes provenant de la Malaisie ont touché le centre et le sud du littoral pacifique il y a quelques 12,000 ans. Avec sa nouvelle théorie, le docteur Arocha va jusqu’à établir que ces expéditions de la Malaisie à l’Amérique Centrale (particulièrement au Salvador), ont donné naissance à un peuple appelé « mangues » et que « les mangues, sans aucun doute, constituèrent l’origine d’un nouveau concept de vie autochtone: le concept maya dans sa version du Pacifique ».1
Au IXe siècle, les Vikings sont débarqués en Islande, au Groenland, sur la terre de Baffin et au Labrador. Ces faits sont inscrits dans les sagas (récits et légendes Scandinaves). Certaines racontent la découverte de Vinland, « la terre du vin », sans doute nommée ainsi parce que cette région jouissait à l’époque d’un climat tempéré.
Un peu plus tard, le 12 octobre 1492, Christophe Colomb a touché la terre des Caraïbes (du nom des autochtones qui peuplaient cette région). Après Christophe Colomb, les Portugais, les Français et les Anglais se sont succédés. Et comme depuis les âges les plus reculés, chaque groupe arrivant dans le continent essayait de déloger les groupes précédents pour s’installer et se développer. Ainsi ont surgi tant de guerres où le sang a coulé, et dont les premières nations, vu la supériorité de l’armement militaire des Européens, ont payé le prix, quelquefois jusqu’à l’extermination. Finalement, toutes ces luttes pour s’approprier de nouvelles terres, ont modelé la configuration politique du continent.
Encore maintenant, l’histoire continue d’inscrire des vagues migratoires provenant des quatre points cardinaux. Le Canada, par exemple, dans cette décade des années ’80, a vu apparaître des mouvements migratoires de ce continent et de l’autre côté de la mer.
Si l’on analyse à travers toute l’histoire de l’humanité les causes de ce phénomène social, l’émigration et l’immigration, on remarquera que ce sont les mêmes facteurs qui l’ont provoqué, c’est-à-dire des causes économiques, sociales et politiques.
C’est un phénomène auquel il faut faire face avec une responsabilité sociale, et aussi, une perspective historique qui puisse nous permettre de retrouver l’eau originelle, son lit profond, dénouer la trame jusqu’au ruissellement premier, la source. Confronter les erreurs commises et nos limites, mais aussi nos réussites, ce qui veut dire : trouver notre Identité culturelle et notre Identité nationale.
C’est important pour l’équilibre et l’harmonie d’une société de connaître ses origines, de chercher, pour s’enrichir, dans la culture des peuples précédents, dans les premières nations. Regarder le passé, ce n’est pas fuir la réalité, mais s’enrichir dans le présent en se projetant vers l’avenir, une vision qui est bien sûr opposée à la vision folklorique et colonisatrice, « gringo » et « kétaine », produit d’une conception métaphysique, individualiste et conservatrice de l’histoire et de la société.
La réussite de cette recherche d’identité nationale pourra permettre à chaque individu de trouver sa place dans l’histoire et dans la société: de vivre, de se développer et de s’épanouir en tant qu’être humain avec la seule préoccupation d’atteindre de nouveaux états de conscience et de nouveaux états sociaux.
1 Antonio R. Arocha. Cartograma Histôrico-Geográfico de El Salvador.