Dominique Blain, Déplacements — Louise Déry, Une douloureuse beauté

[Hiver 2020]

Par Louise Déry

[Extrait]
Au moment où l’exposition Déplacements de Dominique Blain est présentée à Paris1, Venise est l’objet d’une acqua alta d’une telle ampleur que nous éprouvons une fois de plus l’angoisse de voir disparaître cet incomparable trésor du patrimoine mondial. Il n’y a pas si longtemps, c’était Notre-Dame de Paris qui était sévèrement endommagée par les flammes, sous les yeux incrédules de milliers de témoins rassemblés sur les ponts, les quais et les rues avoisinantes ou devant les écrans du monde entier. La mobilisation des cœurs et des esprits est particulièrement aiguë lorsque de tels drames surviennent et la communauté internationale exprime, à raison, une forte solidarité pour engager des mesures réparatrices souvent « spectacularisées » à coup de donations exemplaires et d’appels à contribution. Or, en de nombreux endroits du monde, ce ne sont pas les cataclysmes naturels ou les causes accidentelles qui mettent le patrimoine en péril. Ce sont des actes de destruction volontaires d’une ampleur hallucinante qui participent d’un engrenage d’éradication programmée de peuples soumis à la guerre et à l’exil, tant dans la mise en péril de la vie elle-même que dans celle des symboles qui, comme l’art, en constitue en partie l’essence.

Cette entrée en matière, pour parler du travail de Dominique Blain dont l’un des axes principaux s’établit autour du rapport entre l’art et la guerre, montre bien que ce que nous appelons le patrimoine fonde notre imaginaire individuel et collectif. Parce qu’il désigne cet héritage partagé de biens et de droits que nous n’avons de cesse de considérer comme inaliénables et transmissibles, il impose impérativement que nous le protégions, que nous en contrôlions le vol et la perte, que nous lui accordions préséance comme l’assise même de notre pauvre humanité pourtant impuissante, dans de trop nombreux cas, à sauvegarder la vie elle-même. C’est tout cela qu’évoque l’exposition Déplacements au Centre culturel canadien à Paris, en particulier si l’on s’attache tout spécialement aux œuvres Monuments II et Dérives qui en incarnent les deux axes principaux autour du péril d’œuvres et de vies humaines soumises aux affres de la guerre…

[Suite de l’article et autres images dans les versions imprimée et numérique du magazine. En vente partout au Canada jusqu’au 12 juin 2020 et sur notre boutique en ligne.]

1 Dominique Blain, Déplacements, Centre culturel canadien, du 27 septembre 2019 au 14 janvier 2020, Paris, sous le commissariat de Catherine Bédard et Ami Barak.

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