Ouvrages à souligner — Fanny Bieth

[Été 2020]

Par Fanny Bieth

Yann Pocreau, Sur les lieux/On site, Saint-Jérôme/Saint-Hyacinthe, Musée d’art contemporain des Laurentides/Expression, 2018, 175 p. (bilingue)

Le présent livre fait suite à l’exposition Yann Pocreau. Sur les lieux, dont le premier volet s’est tenu à EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe à l’automne 2015, et le deuxième au Musée d’art contemporain des Laurentides à l’hiver 2016. Une introduction de Marcel Blouin et Jonathan Demers, ainsi que des essais de Manon Tourigny (qui a officié comme commissaire de l’exposition), Marie-Ève Beaupré et Bénédicte Ramade accompagnent les œuvres du photographe québécois. Plus qu’un catalogue, l’ouvrage est pensé comme le troisième volet du projet : en plus des travaux exposés lors des deux premiers, il présente un certain nombre d’œuvres inédites, réalisées pour l’occasion. Richement illustré, donc, le livre est également finement construit. Yann Pocreau y joue avec les types de papier et d’encre, poursuivant ses interrogations sur ce qui fait la photographie, sur sa matérialité et son instabilité.

Zoë Tousignant (dir.), Gabor Szilasi. Le monde de l’art à Montréal, 1960–1980, Montréal, Musée McCord, en collabo­ration avec McGill-Queen’s University Press, 2019, 150 p. [English version also available]

Les photographies réalisées par Gabor Szilasi lors de vernissages et autres événements culturels à Montréal au cours des années 1960 et 1970 ont d’abord fait l’objet d’une exposition, présentée au musée McCord de décembre 2017 à avril 2018. Zoë Tousignant, commissaire de l’exposition, en dirige également le catalogue. Une centaine d’images en noir et blanc composent l’ouvrage. À cela s’ajoutent trois essais (signés par Zoë Tousignant, Martha Langford et Andrea Szilazi) et un entretien avec le photographe. Un important travail de sélection au sein des archives (quelque 3600 négatifs), mais aussi d’identification a été mené en amont. Ainsi, l’événement, la date, le lieu et l’identité des personnes représentées sont spécifiés dès que possible. Et un index des noms est présent à la fin du livre. Les clichés réunis donnent à voir l’intérêt profond du photographe pour les personnes présentes et pour les liens qui les unissent. Surtout, l’ensemble dresse le portrait d’une époque riche pour l’art contem­porain montréalais.

Michel Campeau et Joan Fontcuberta, The Donkey That Became a Zebra: Histoires de chambres noires, Paris, Loco, 2019, 144 p.

Chambres noires, appareils, pellicules, polaroids, diapositives, négatifs, albums… Dans ce livre, le photographe Michel Campeau réunit des clichés de matériel photographique, des photo­graphies anonymes issues de sa collection, ainsi que des documents techni­ques ou publicitaires, comme autant d’éléments d’une histoire de la photographie analogique. Mêlant ses propres photographies à celles qu’il s’approprie, Michel Campeau s’inscrit au sein de la vaste communauté des amateurs de photographies. S’attachant à un art et à ses évolutions techniques, l’ouvrage a bien sûr un rapport avec le temps qui passe – l’usure –, voire la mort, à travers la disparition. Dans son essai qui accompagne le travail de Campeau, Joan Fontcuberta relève, à juste titre, que chaque image (aussi banale soit-elle) y semble le lieu potentiel d’une révélation. Finalement, on est frappé par l’implication des corps dans l’expérience photographique : prendre, développer, regarder, tout comme poser pour une photographie engagent le corps dans une chorégraphie que donne à voir ce montage d’images hétéroclites.

Momenta, La vie des choses, Montréal/Bielefeld, Momenta/Kerber Verlag, 2019, 165 p. [English version also available]

Intitulée La vie des choses et commissariée par María Wills Londoño, en collaboration avec Audrey Genois et Maude Johnson, l’édition 2019 de Momenta – Biennale de l’image marquait le trentième anniversaire de la manifestation. La publication qui l’accompagne propose un panorama de l’ensemble des projets présentés dans le cadre de l’événement, les répartissant selon les quatre volets qui déclinaient la thématique générale. Chaque exposition est ainsi présentée par un bref texte décrivant la démarche de l’artiste, suivi d’une série d’images représentatives. Le catalogue donne à voir la grande diversité et la richesse des propositions : trente-neuf artistes issus de vingt pays, et dont près des trois quarts s’identifiant comme femme, ont participé à cette édition. En plus des essais de Dominique Quessada, Amanda de la Garza, Sara Knelman et Anne-Marie Dubois, deux propositions artistiques inédites viennent compléter ce catalogue, l’une de Kapwani Kiwanga, l’autre de Maryse Larivière.

Nathalie Bondil (dir.), Volte-Face/About Face, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, 92 p. (bilingue)

L’exposition Volte-face : photographies de Cindy Sherman, Laurie Simmons et Rachel Harrison, de la Collection Carol et David Appel a été présentée au Musée des beaux-arts de Montréal à l’hiver 2020. Mary-Dailey Desmarais, commissaire de l’exposition, signe également l’essai qui accompagne son catalogue. Les trois photographes dont les œuvres sont ici réunies posent chacune la question de la représentation photographique et de son incidence sur l’identité. Cindy Sherman se met elle-même en scène dans des compositions qui problématisent les conventions à l’œuvre dans les représentations et la dimension performative de l’identité. Laurie Simmons pose également la question des rapports de pouvoir à l’œuvre entre l’appareil photo et le corps du modèle. Enfin, le flot d’images alignées de la série Voyage of the Beagle de Rachel Harrison brouille les catégorisations et nous invite à faire des rapprochements entre les étranges visages photographiés par l’artiste.

 


Fanny Bieth est doctorante en histoire de l’art à l’UQAM.

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