Marie-Josée Rousseau, Au carrefour des pratiques photographiques — Jérôme Delgado

[Automne 2021]

Un entretien de Jérôme Delgado

[Extrait]
Après de multiples expériences, des études en sociologie, psychologie, gestion et histoire de l’art, des emplois en finances et en communications, puis un tour du globe – une trentaine de pays visités en trois ans –, Marie­-Josée Rousseau a ouvert La Castiglione en 2014, seule galerie québécoise spécialisée en photographie. À travers un programme éclectique d’expositions, elle a travaillé autant avec des artistes établis (Normand Rajotte, Serge Tousignant…) qu’avec les nouvelles générations (Janie Julien­-Fort, Laurence Hervieux-­Gosselin…). En 2020, Marie­-Josée Rousseau a abandonné l’espace qu’elle louait au centre-­ville de Montréal pour faire de La Castiglione une galerie nomade. Depuis, elle s’interroge sur la suite des choses.

Jérôme Delgado: D’où vient, dans ton parcours personnel, cet intérêt si fort pour la photographie ?

Marie-Josée Rousseau : La photographie numérique fut pour moi une révélation ; l’autonomie qu’elle procure, sa rapidité d’exécution et son abondance m’ont permis une exploration sans pareille de mon environnement. Ce médium m’ouvrait de nouvelles possibilités afin d’explorer mon entourage et celui de pays étrangers. Mon appareil photo est vite devenu une prolongation de moi­-même. Il fut mon laissez-­passer pour voyager dans des contrées éloignées, m’insufflant le courage nécessaire pour m’aventurer vers des lieux inconnus et inspirants.

Je pense que la photographie m’a aidée à mieux me connaître, ainsi qu’à mieux comprendre le monde qui m’entoure. Elle m’a permis d’explorer des territoires isolés, difficiles d’accès, où mes pensées puisaient sens. De ces expéditions, je suis revenue transportée, rapportant des dizaines de milliers de prises de vues, ainsi qu’un désir intense d’examiner plus en profondeur ces non­-lieux si fascinants.

De retour à Montréal, j’avais besoin de comprendre ma démarche. Connecter mes prises de vue et celles à venir avec des concepts actuels se rattachant à la photographie. Approfondir, chercher à mieux comprendre les éléments dont est constitué un territoire donné, clarifier mes idées, dépasser l’ordre du senti. À travers ma démarche, j’ai rencontré d’autres photographes avec qui j’ai échangé sur nos travaux réciproques. Ces échanges m’ont permis de mieux saisir ce qu’est réellement le travail de photographe. Créer une signature, chercher un sens dans le foisonnement d’images (qui peut rendre fou !). Trouver dans ces va­-et­-vient incessants entre la matière brute et le monde des idées sa propre expression, celle dont il est difficile de s’abstraire, pour y revenir inlassablement. Arriver à ce dénouement afin de créer une œuvre originale qui a du sens et espérer qu’elle en aura tout autant chez l’autre…

Durant cette période, j’ai pris plaisir à m’intéresser au travail des autres artistes, à avoir un aperçu de ce qui se faisait ici et ailleurs. Si des galeries d’art consacrées à la photographie se sont établies un peu partout dans le monde, ça me semblait manquer à Montréal. C’est ainsi que tout doucement a germé l’idée d’exposer et de promouvoir la photographie.

 

Suite de l’article et autres images dans le magazine : Ciel variable 118 – EXPOSER LA PHOTO