[Hiver 2023]
Par Jérôme Delgado
Peu importe ce qu’en dit l’adage, la nuit, les chats ne sont pas tous gris. On y recense une foule d’individualités, d’innombrables activités et, sans l’ombre d’un doute, une riche palette de couleurs. Ça nous arrange, la plupart du temps, de fermer les yeux sur ce qui se trame une fois la lumière diurne éteinte. En nature, la faune règne, en fin. En milieu urbain, le monde de l’emploi se manifeste encore plus précaire. Et entre ces deux pôles, sur la route, des établissements isolés s’offrent en refuges accueillants. Les artistes réunis ici, en dignes observateurs, usent de différentes stratégies technologiques pour nous rappeler l’importance d’agir autrement, de vivre autrement, de penser autrement.
Les images de Nightlife au mont Pinacle, d’Éliane Excoffier, ont été captées en forêt, à l’abri de son regard. Ce furent des caméras de chasse infrarouges, placées par l’artiste à des endroits potentiellement passants, qui se déclenchaient au moindre mouvement. Les milliers de clichés accumulés pendant un an révèlent la diversité d’une population qui, notamment, transite par un ruisseau. Ce carrefour, à la fois source et point de repère, fait partie d’un tout, à l’instar de chaque bête observée. Au-delà de son état de bestiaire ou de manifeste environnemental, le projet appelle à une rencontre saine – indirecte et peu intrusive – entre animaux et humains.
Le temps d’une pandémie, et plus particulièrement des couvre feux instaurés comme mesure sanitaire, notre dépendance (gastronomique) à la commande de repas prêts-à-manger s’est intensifiée. Avec Black Out : Les livreurs / The Deliverers, Emmanuelle Léonard a porté son attention sur les ouvriers nocturnes au cœur de notre confort alimentaire. Au moyen d’outils thermiques, mais aussi d’autres appareils numériques plus cou rants, elle a photographié plus d’un livreur au travail. Regard sur une communauté, davantage que portraits individuels, l’en semble de ses images scrute l’énergie dégagée par chaque corps, cible l’enjeu de temps imposé pour chaque livraison et révèle ce secteur social et économique trop souvent dans l’ombre.
Le déplacement est au cœur de Neón, projet vidéo conçu paradoxalement pour une diffusion sur le Web, à découvrir bien installé chez soi. C’est une route imaginaire que Santiago Tamayo Soler a esquissée à partir des images de la Colombie que lui proposait un populaire service de navigation virtuelle. À coup de modi cations de toutes sortes, il ampli e la sensation de mystère autour de lieux croisés sur le chemin (bars, motels, garages…), tout en les magnifiant d’enseignes lumineuses. Ces néons, phares dans la nuit, lui servent pour outrepasser les clichés culturels et pour aller au-delà de ce à quoi peuvent être associés les espaces de clandestinité et la vie nocturne.
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 122 – RONDES DE NUIT ]
[ L’article complet et plus d’images, en version numérique, sont disponibles ici : Rondes de nuit