[Printemps 1991]
par Guylaine Fortin
Comité de production
Pas évident la folie quand on y pense… Au début, on se disait : tiens, on pourrait faire un numéro un peu fou qui témoignerait des multiples états de la folie… À première vue, ça n’avait pas l’air si fou. Sauf que…
En auscultant la folie, un diagnostic s’est imposé : la folie, la vraie, s’accompagne toujours d’une grande souffrance qui augmente en même temps que l’incompréhension de l’entourage. Allions-nous jouer les thérapeutes de salon et attribuer le terme de fou à tort ou à raison ? Allions-nous perdre la tête et faire se côtoyer souffrance, détresse, loufoque et farfelu ? Non, nous n’allions pas faire des fous de nous en nous précipitant dans toutes les directions à la fois. Dans le contexte actuel, cibler la folie et en éliminer au départ les à-côtés nous parut plus sage. C’est pourquoi nous avons rejeté plusieurs documents qui portaient, notamment, sur la violence conjugale et l’itinérance.
Vous remarquerez en outre l’absence d’une autre « folie », très en vogue par les temps qui courent, plus monstrueuse parce que plus meurtrière, la folie guerrière des messieurs Bush, Hussein et compagnie. Cette absence s’explique par la date de tombée ; nous ne pouvions prévoir pareil scénario à la mi-décembre. Néanmoins, nous savons que la folie des grandeurs de ces messieurs engendrera à son tour une armée de malades, fous du front et miséreux de la rue.
Les textes et les photos qui trouvent asile dans ce numéro témoignent tous, à leur façon, de cette inhérence de la folie. Derrière l’isolement et l’enfermement, au-delà de la prise en charge et des façades d’une autonomie malhabile, c’est toujours de souffrance et de douleur, de violence et de peine dont ils manifestent si ouvertement la présence inaltérable.
À l’ère de la désinstitionnalisation psychiatrique, des hommes et des femmes continuent de souffrir en silence, prisonniers des barreaux qu’ils ont à l’intérieur de la tête.