Derek Oss, Je me souviens

[Été 1991]

par Derek Oss

I REMEMBER
Je lui ai dit
qu’après trente ans,
je n ‘arrivais toujours pas
à me sentir Canadien.
II a répondu :
« Je sais, je suis né ici.
J’ai passé ma vie ici.
Mes aïeuls sont nés ici.
Je ne sens pourtant pas
que le Canada est
mon pays. »
Je me souviens
de cinquante et un million
d’autochtones qui ont été
tués pour nos péchés.
Je me souviens d’Oka,
l’été dernier.

Je lui ai demandé à quoi ressemblait une rencontre avec le pouvoir.
Il a répondu: « Le pouvoir, c’est l’opium de la classe dominante. »
Je me souviens comment nous avons servi nos maîtres durant la guerre de Bush.

Il m’a dit: « l’Histoire c’est la part que tu amènes avec toi dans le présent. »
Je me souviens de notre oppression. Nous avons fait un milliard de dollars durant la guerre
du Viêt-nam à vendre napalm, bottes, bérets verts et alcool Seagram’s.

« N’avez-vous pas, vous et Trudeau, tous les deux, perdu votre père lorsque vous étiez très jeunes? »
« Trudeau était riche. Il avait l’argent de son père », qu’il a dit, attristé, en colère, isolé et avec regret.
Je me souviens de mon père disparu. Je vais arrêter de gagner de l’argent,
et vais aller, aux dieux enterrés, demander pardon.

« Et que dire des vampires à haute
technologie et à raison sociale
qui libre-échangent avec nous? »
Il a répondu:
« Dans la grande noirceur,
la reconnaissance des morts
transporte le soleil. »
Je me souviens de lui comme
d’un homme drôle et chaleureux
consumé par un idéal qui l’a fait
mourir.

Traduction Jacques Leduc