Lectures – Christian Liboiron

[Hiver 1994-1995]

William A. Ewing, The body: Photographs of the human form,
San Francisco, Chronicle Books, 1994, ill. n. et b. et coul., 39,95 $.

Ce florilège de la photographie des XIXe et XXe siècles, au cours desquels la représentation du corps sert de motif central, rassemble des photographies d’usage et d’intention divergents. Ewing propose une archéologie de la représentation du corps dans l’histoire de la photographie, en élaborant un album où tous les champs d’intérêt de ce médium sont présents. Il ne fait, cependant, que suggérer l’amplitude théorique des thèmes de son sujet et de l’énorme corpus ; il ne fait pas œuvre d’historien, mais de compilateur. Les textes qui présentent chacune des douze sections sont succincts. Ils mettent en perspective les photos choisies : le contexte historique d’usage et de production, les concepts et idéologies inhérents, leur esthétique. Ce recueil arrive à susciter l’intérêt et la curiosité, surtout grâce à la sélection iconographique, un panorama de plus de 350 photos. Par contre, on ne peut que se désoler d’omissions majeures telles que les Diane Arbus et Duane Michaels, Nan Goldin et Geneviève Cadieux, ainsi que Peter Hujar et Evergon, etc.

Le Sommeil de la surface, Andres Serrano,
Sous la direction de Jean-Louis Shefer, Arles, Actes Sud, 1994,
95p., ill. coul., 23,75 $.

Ce petit livre regroupe les actes d’un colloque dirigé par Jean-Louis Shefer sur l’oeuvre photographique de Serrano. Il a invité quatre autres essayistes à réfléchir sur cette œuvre, en relation à l’intitulé : Le Sommeil de la surface. Certains se sont attachés plus particulièrement à la formule, sans éclairer notre compréhension de l’œuvre de l’artiste : Shefer, lui-même, fait une exégèse tordue, étrangère au portfolio en question; tandis que J.-M. Rey propose une réflexion philologique sur le thème de la surface, bien construite et appuyée, mais ne servant que le titre du colloque et non son sujet. D’autre part, on nous offre de petits ouvrages d’érudition qui prennent en compte le poids de l’œuvre (principalement la série de la Morgue) et l’intitulé qui, lui, balise les discussions. Arasse reprend le motif du corps endormi en peinture, qu’il associe aux cadavres de Serrano ; il commente aussi le travail de l’artiste en proposant le concept de « sommeil de la peinture », selon lequel la peinture inerte représente à la fois la vie (détail) et la mort (matière). P. Blon réfère au principe soustractif de la photographie pour tenter de saisir l’essentiel de la Morgue, alors que S. Bann utilise le principe mythologique de la métamorphose.

Daniel Arasse, Andres Serrano: The morgue,
Reims, Palais du Tau, 1993, 83p., ill. coul., bilingue, 49,95 $.

Ce catalogue d’exposition présente les 36 photographies couleur de grand format croquées dans une morgue de la série des cadavres de Serrano. Introduisant le portfolio, le texte de Daniel Arasse est en fait une lettre adressée au galeriste Yvon Lambert. Passant au-delà d’une prime réaction de gêne et de malaise, cette réflexion tente de cerner, très subjectivement, ce qui caractérise de telles images, tout en les situant dans l’ensemble des photographies macabres. Arasse associe « l’ambition profonde » de Serrano aux coloristes classiques, en se référant à des catégories propres à l’histoire de la peinture, ainsi qu’à la littérature classique.