Carol Dallaire, LE COMPLET BLEU ou l’apparence des choses qui ne sont pas des sons

[Automne 1995]

Articles connexes:
Article 1 : Carol Dallaire – Marie-Josée Jean, L’image transmuée
Article 2 : Carol Dallaire – Francine Dagenais, Taking leave of the focal point (Anglais seulement)

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LE COMPLET BLEU ou l’apparence des choses qui ne sont pas des sons

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Le bout du doigt un peu corné fouillait lentement, en l’écartant du globe oculaire, le rebord interne de la paupière. Vu à distance, on pouvait croire à de l’émotion.

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I.L. avait finalement trouvé une façon d’être vraiment malheureux le dimanche.

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E.L. ne pouvait oublier, un jour enfant, avoir vu du sang dans une chambre et avoir eu peur. L’image des draps maculés ne s’était jamais complètement effacée de sa mémoire. E.L. avait noté à la dernière page d’un roman français : «On ne craint pas ce que l’on ne connaît pas lorsque l’on est naïf et jeune… c’est après que ça se gâte. » E.L. avait un peu pleuré cette nuit-là avant de s’endormir.

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I.L. avait un jour retrouvé la photographie de ce jeune couple. Cette image l’avait toujours troublé car, s’il s’agissait bien d’eux, I.L. n’avait cependant jamais pu y reconnaître ses parents. Un peu ennuyé, I.L. avait noté : «Une goutte d’eau se souvient-elle jamais de l’océan d’où elle provient?» I.L. avait mangé sans appétit ce soir-là.

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E.L. se souvenait de l’étrange histoire qu’un oncle lui avait raconté à propos d’un oiseau lové une nuit dans son nid près de sa femelle. Le volatile dormait et rêvait, tournait et retournait tant, qu’il avait fini par pousser sa compagne par dessus bord. Au matin, se voyant seul et se croyant abandonné, il était allé se jeter contre une énorme vitrine. E.L. s’était jurée de toujours vivre seule.