Sylvain Campeau, Chambres obscures : photographie et installation – Manon Gosselin

[Été 1996]

Sylvain Campeau, Chambres obscures : photographie et installation,
Laval, Éditions Trois, 1995, 288 pages.

Essai sur la présence du photographique dans l’installation, ces Chambres obscures interpellent la photographie comme simulacre en examinant, dans une série d’essais, l’œuvre d’artistes réputés qui, avec cohérence, ont utilisé, ajouté, adopté, emprunté (à) la photographie.

Alloucherie — Tousignant — Pellegrinuzzi — King — Grauerholz — Geleynse — Cadieux. Aucun–e n’est tout à fait photographe. Pourtant, Sylvain Campeau repère maintes manifestations significatives du photographique et de son impact sur les simulacres : comme matériau ajouté à des pratiques artistiques conceptuelles, ou encore comme plus-value pouvant servir le croisement de matériaux-concepts tels le bois, le verre poli-dépoli, l’aluminium, l’empreinte, l’absence, l’après-coup, la coupe, la reproductibilité, la preuve, le redoublement. En fait, cet ouvrage vise, par des lectures d’œuvres d’art produites au cours de la dernière décennie, à discerner les mises à l’épreuve théoriques qu’ont pu subir photographie et installation. Pour ce faire, l’auteur isole un site composé, détourne son regard, reconduit des légitimants théoriques à leur place, reprend l’analyse du site, redevient spectateur, oscille entre expérience et savoir tout en critiquant cette oscillation.

En cherchant photographie et installation, Sylvain Campeau convoque (pourrait-il faire autrement ?) les grands textes théoriques qui ont vraisemblablement inspirés les artistes et les textes critiques portant sur leur œuvre. La fréquentation postmoderniste est acceptée d’emblée. L’art est couramment devenu sa propre référence. Hors de ce champ, il semble perdre de sa clarté et l’effet de son sens se voit diminué sinon complètement anéanti.

L’auteur reconnaît justement que «l’objet confondu de l’art actuel est le spec­ta­teur» qui est «le récepteur un peu ahuri, contraint de refonder et de réviser sans cesse son savoir et ses fondements d’appréciation de l’œuvre d’art». Par ses passages successifs dans ces sites où photographie et installation cohabitent, Sylvain Campeau parvient à faire état de l’obscènité du simulacre photographique. Dans un double geste paradoxal, il interroge l’œuvre-discours-sur-le-discours tout en opérant lui-même un redou­blement du discours-sur-l’œuvre-discours-sur-le-discours. Sa conclusion est-elle une brèche ou bien le délassement du spectateur un peu ahuri après cette succession de simulacres, de renvois, de redoublements ? «Il faudrait alors accepter la représentation pour ce qu’elle est et la laisser librement s’adresser à ce qu’il y a sans doute de plus fondamental en l’homme : pouvoirs du m­roir qui donne à celui-ci l’image de ce qu’il est, de ce qu’il croit être, de ce qu’il s’est dit et fait être.»