[Automne 1996]
Paris, Éditions Revue Noire, 1995, 416 p.
Disponible chez Olivieri-Musée ou chez DPLU.
Pierre Verger a beaucoup voyagé. Lorsqu’il se rend au Brésil en 1946, c’est pour un long séjour dans la région de Bahia. Là, il est entraîné au cœur d’une culture d’origine africaine que perpétuent les Noirs brésiliens, filles et fils d’esclaves qui ont dû s’adapter à de nouvelles terres. En 1948, Verger part pour l’Afrique, plus précisément pour le Sénégal et le Dahomey, et devient « ce chercheur, relateur rigoureux des relations et des cultes des deux continents ». Plus qu’un observateur, Verger est un témoin privilégié des cérémonies qu’on nomme à Bahia des candomblè. En 1958, il devient grand initié et portera désormais le nom de Fátúmbi. En 1966, à soixante-quatre ans, il est chercheur au CNRS et complète un doctorat à la Sorbonne sur la « traite négrière ».
Ce livre est donc une invitation de Pierre Verger à pénétrer dans ce monde fascinant et complexe de cultures africaines déracinées qui ont su perpétuer les cultes de leurs origines : leurs danses impétueuses, leurs transes inexplicables, leurs initiés soumis, leurs dieux et leurs vodoun aux redoutables attributs : Shango, viril et gaillard ; Yémanja, divinité des eaux et des mers ; Sakpata au visage caché, vodoun de la variole et des maladies contagieuses… Les cent soixante photographies qui composent l’ouvrage se rattachent à ces cultes adressés aux forces de la nature et aux ancêtres divinisés. « Ces cultes forment un vaste système qui unit les morts et les vivants en un tout familial, continu et solidaire… », écrit Verger dans l’introduction, et ses photographies montrent particulièrement bien cette intimité du naturel et du surnaturel, où les habitants des terres du Sud deviennent iyawo, « fils et filles de Saints ».
L’éditeur, Revue Noire, publie depuis 1993, en petit format, des monographies exceptionnelles portant sur l’Afrique contemporaine et l’héritage africain. Et la photographie y tient une place de choix. Dieux d’Afrique est une réédition intégrale du magnifique ouvrage du même nom paru en 1954 aux Éditions Paul Hartmann, avec quelques modifications. Toutes les photographies ont été tirées à nouveau pour cette édition, exclusivement en noir et blanc, sans recadrage, d’après les négatifs 6 x 6 cm conservés par Verger. Ces images nous font passer du Brésil à l’Afrique, nous initient aux cérémonies animistes, nous présentent des rites, des temples, des visages attentifs aux manifestations des dieux, des coins de terre abandonnés aux objets de culte, sans jamais tomber dans le cliché exotique. Et si elles sont si fascinantes, c’est justement pour cette raison.