[Hiver 1996-1997]
par Franck Michel
Nos lecteurs ont sans doute remarqué que depuis quelque temps CVphoto se refait progressivement une nouvelle image : principalement par une amélioration de la grille graphique et par un léger changement dans la présentation de la page couverture. À partir de ce numéro, un espace plus généreux sera consacré aux critiques d’expositions. Il nous sera donc possible de couvrir dorénavant les expositions présentées en région, ailleurs au Canada ou encore à l’étranger.
Dans ce numéro, nous avons choisi de réunir autour du thème du lieu trois artistes aux approches fort différentes : Miki Gingras, Lynne Cohen, et André Jasinski.
De renommée internationale, l’artiste d’Ottawa Lynne Cohen a démontré depuis plusieurs années une fascination pour les lieux du pouvoir, des finances, de l’éducation ou de la science, dont elle capte les intérieurs vides de toute présence humaine. Ses photographies esquissent une fresque à l’ironie grinçante de notre société et de ses institutions. À des kilomètres de là, le photographe belge André Jasinski chasse, la nuit, les vestiges de la société industrielle passée ou présente. Ces sites étranges, oubliés dans le silence nocturne, nous apportent une vision inédite des villes de Bruxelles et de Genève. L’artiste montréalaise Miki Gingras poursuit quant à elle une quête de vérité historique déjà amorcée dans ses corpus précédents. Avec sa série Acculturation, elle ravive, à travers les photographies d’un pensionnat abandonné situé dans le nord du Québec, une partie occultée de l’histoire de l’intégration et de l’aliénation des autochtones par les blancs.
La force de ces trois artistes poétiques, critiques ou politiques, réside dans leur implacable actualité ; même si leurs images sont parfois très subjectives, elles demeurent néanmoins des témoignages du présent d’une ville, des oublis de l’Histoire ou d’inquiétants intérieurs des hauts lieux de la société capitaliste.
Pour cette livraison d’hiver, la chronique « Point de vue » est rédigée par une auteure anglophone : l’artiste et théoricienne montréalaise Cheryl Simon. Ce texte dense mais nécessaire interroge le concept de visual culture tout en faisant le point sur les théories photographiques des dernières années. Cette chronique est d’ailleurs publiée pour la première fois en anglais. Fidèles à notre volonté de bilinguisme, nous croyons essentiel que le « Point de vue » puisse être écrit indifféremment en anglais ou en français, à défaut de pouvoir être traduit intégralement.
Je me suis aperçu que, dans cette page, nous parlions souvent des photographes mais bien rarement des auteurs, des critiques ou des théoriciens qui écrivent dans CVphoto. Aussi quelques mots s’imposent à ce sujet. Précisons d’abord que les écrits publiés dans notre revue ne servent pas qu’à remplir le blanc des pages. Au-delà du plaisir de la lecture, ils contribuent à une meilleure compréhension d’un cheminement artistique ou des problématiques abordées par la photographie contemporaine. Nous recherchons des auteurs, novices ou chevronnés, d’ici ou d’ailleurs, qui savent être intéressants et instructifs sans toutefois devenir abstraits. Le choix des auteurs est fait avec beaucoup de minutie, et comme dans le cas des photographes, nous réservons une place privilégiée à la relève. J’espère donc que nos lecteurs apprécient le travail des auteurs tout autant que celui des artistes : CVphoto, ce sont des images mais aussi des mots.
Bonne lecture !